Civilization
Si l’œuvre de Thomas Ince est parfois considérée comme complémentaire à celle de Griffith, Civilization est bel et bien une réponse à l’imposante fresque sur l’humanité qu’est Intolérance. Les deux films sont produits simultanément et l’entreprise s’avère tout aussi colossale. Avec un coût de production d’un million de dollars, une collaboration de la US Navy et du département aérien du gouvernement américain, le film implique près de quarante mille personnes, dix mille chevaux, et Ince engage la construction de villes entières destinées à être détruites au tournage. Il confie la composition de la musique à Victor L. Schertzinger qui développe, telle une partition d’opéra, des motifs différents en fonction des personnages.
Ince s’inspire de l’actualité, en particulier du torpillage en 1915 du paquebot Lusitania par un sous-marin allemand. Avec pour intention de démontrer la futilité du sacrifice humain à la guerre, il alterne la période de paix, la guerre destructrice, puis la paix revenue. Dans un rythme soutenu, les scènes les plus intimes côtoient les mises en scène spectaculaires, comme celle du naufrage ou les fascinantes compositions de foules. Pour le président Thomas Woodrow Wilson qui axe alors la campagne pour sa réélection sur le fait que les États-Unis ne s’engagent pas dans le conflit qui sévit en Europe, l’immense succès public de Civilization à sa sortie au Criterion Theatre de New York, en juin 1916, est pain béni. Le film tient l’affiche pendant trente-deux semaines. La presse parle de « la création la plus extraordinaire de ce genre jamais présentée » (Intolérance ne sortira en salle qu’en août 1916).
Sauvegardé par le MoMA avec le financement du National Endowment for the Arts et la Film Foundation.