En 1987, Christa Päffgen (incarnée par l’actrice danoise Trine Dyrholm) a 48 ans et tourne partout en Europe, mais cette fois en solo, après avoir été connue au sein du Velvet Underground sous le nom de Nico. Elle est très fière de ce nouveau départ dans sa carrière, qui reflète celui qu’elle espère faire en tant que mère – car elle a une relation compliquée avec son fils, qu’elle n’a jamais eu le temps d’apprendre à connaître vraiment.
“Nous sommes aujourd’hui avec la femme fatale de Lou Reed”, s’exclame un présentateur radio trop enthousiaste au début du film de Susanna Nicchiarelli, Nico, 1988, qui a fait l’ouverture de la section Orizzonti de la Mostra de Venise. “Ne m’appelez pas comme ça, je n’aime pas ça”, rétorque la chanteuse, ce qui donne le ton pour le reste du film. Pour le plus grand nombre, cependant, Nico (de son vrai nom Christa, insiste-t-elle à présent) est avant tout l’iconique chanteuse du Velvet. Pas pour Nicchiarelli : pour paraphraser le titre d’une autobiographie récemment commise par Kim Gordon de Sonic Youth, ceci n’est pas une histoire sur une fille qui fait partie d’un groupe, mais sur cette fille après qu’elle ait quitté ce groupe. Évitant soigneusement les écueils habituels du genre biographique, Nicchiarelli contourne presque totalement les grands moments de la carrière de Nico qui ont fait d’elle une muse warholienne, et les amis célébrissimes qui ont contribué à ancrer son statut de star. En résumé, il ne s’agit pas d’un récit scintillant et riche en potins sur une vie vécue dangereusement mais d’un portrait qui, sans perdre sa révérence pour l’icône, prend son temps pour aborder aussi les facettes moins séduisantes de cette vie, car tout le monde n’a pas la chance de pouvoir, tel Keith Richards, tomber, se relever et poursuivre sa route comme si de rien n’était.
La version la plus répandue des dernières années de Nico est qu’elle a fini par succomber à sa toxicomanie, qui a conduit à sa mort prématurée à seulement 49 ans, mais Nico, 1988 célèbre, sans en faire l’élégie non plus, une femme torturée qui a toujours été portée par l’élan, voire le besoin, de créer. “C’est l’histoire de Nico après Nico”, a dit la réalisatrice il y a quelques temps, et on comprend maintenant pourquoi elle a trouvé riche cette période de la vie de la chanteuse, quand d’autres l’aurait considérée “mineure” par rapport au reste.
La décision de choisir une actrice non-allemande pour incarner la star a sans doute fait se soulever quelques sourcils perplexes, façon Roger Moore, mais Dyrholm est indéniablement habile pour chanter les chansons de Christa, ici ré imaginées de manière très intéressante. Elle livre une performance entière qui, certes, ne fait pas toujours mouche (elle renvoie par moment, probablement pas intentionnellement, à la caricature de rock star shootée que jouait Cate Blanchett dans Coffee and Cigarettes), mais dont on ne peut douter qu’elle est celle de quelqu’un qui se donne à fond pour bousculer les idées reçues sur une figure culte, sans y parvenir tout à fait.