Canción sin nombre est un premier film d'une maîtrise impressionnante, qui trouve le juste équilibre entre l'audace de sa proposition formelle et la force de son récit, inspiré de faits réels. La réalisatrice Melina León a en effet pris comme point de départ une enquête journalistique menée par son père Ismael León – auquel le film est dédié – au début des années 80. Alors que le Pérou était embourbé dans une crise politique – marquée notamment par l'émergence du mouvement du Sentier Lumineux –, le quotidien La República avait révélé l’existence d’un réseau de trafic d’enfants volés. Cette situation sombre et complexe, Melina León la retranscrit dans un format carré représentant l'ensemble des contraintes qui pèsent sur ses personnages, et dans un noir et blanc magnifique rappelant les journaux de l'époque. Avec une étonnante précision – autant dans la composition des cadres que dans le déroulement des différents fils narratifs –, Canción sin nombre est un film à la beauté âpre et un témoignage historique bouleversant.