Le Sel des larmes

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Les premières conquêtes féminines d’un jeune homme et la passion qu’il a pour son père. C’est l’histoire d’un jeune provincial, Luc qui monte à Paris pour passer le concours d’entrée à l’école Boulle. Dans la rue, Il y rencontre Djemila avec qui il vit une aventure. De retour chez son père, le jeune homme retrouve sa petite amie Geneviève alors que Djemila nourrit l’espoir de le revoir. Quand Luc est reçu à l’école Boulle, il s’en va pour Paris abandonnant derrière lui sa petite amie et l’enfant qu’elle porte…

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Dans son style caractéristique, romanesque, dépouillé et suggestif, Philippe Garrel entrecroise la découverte des différentes facettes de l’amour et les relations filiales. Peu importent les tendances, la dramatisation des récits, la frénésie d’un monde moderne multicolore : le cinéaste français Philippe Garrel continue à tracer inlassablement son sillon d’artiste puriste en noir et blanc et à affiner son étude psychologique légèrement distanciée des sentiments humains les plus simples et les plus existentialistes, au point que l’ensemble de son œuvre constituera sans nul doute à terme un grand roman cinématographique.

Avec Le sel des larmes, dévoilé en compétition à la 70e Berlinale, c’est un nouveau chapitre que sculpte, dans une modeste perfection, le réalisateur. Enchâssé dans une construction subtile d’emboitements, d’échos et de répétitions, le film dissèque en surface (et en trois temps) l’exploration initiatique de l’amour par un jeune séducteur flottant en territoire inconnu, et plus en profondeur les liens affectifs avec son père et les conséquences de la légèreté. Une plongée en clair-obscur dans les parfums évanescents du début de l’âge adulte où l’inconstance et lâcheté masculine sont épinglées.

"Toutes les portes peuvent s’ouvrir, ton avenir est en jeu". Quand Luc (Logann Antuofermo) débarque à Paris, pour passer l’examen d’entrée en ébénisterie à l’école Boulle, un célèbre établissement d’arts appliqués, il porte tous les espoirs de son menuisier de père (André Wilms). Mais le jeune homme flirte surtout pendant quelques jours avec Djemila (Oulaya Amamra), rencontrée à un arrêt de bus. On s’embrasse, on s’enlace, mais elle ne couche pas et bientôt Luc repart vers sa province sur une promesse romantique enflammée : "je ne t’oublierai jamais". Néanmoins, il s’enferrera rapidement dans un double mensonge quand Djemila viendra plus tard lui rendre visite (en vain) car entretemps a resurgi par hasard dans son existence Geneviève (Louise Chevillotte) qui l’aimait à l’adolescence et qui s’offre sexuellement sans aucun complexe. L’aime-t-il ? Rien n’est moins sûr. En tout cas, il la repousse méchamment quand il apprend qu’elle est enceinte alors qu’il doit rallier Paris où il a été admis à l’école Boulle. Là, il croisera la route d’une troisième femme, l’infirmière Betsy (Souheila Yacoub), qui le dominera et le fera souffrir autant qu’il a fait souffrir Djemila et Geneviève. Le tout sous le regard de plus en plus lointain de ce père aimant et aimé dont Luc s’éloigne au point qu’il le regrettera…

Véritable travail d’orfèvre (fignolé par le scénario écrit par le réalisateur avec Arlette Langmann et Jean-Claude Carrière et magnifié par la photographie du maître Renato Berta) et sorte de conte moral sans jugement, Le Sel des larmes porte en son sein la sève de la vie (les rendez-vous, les baisers, la danse, les étreintes) et l’ombre de la mort (le cercueil fabriqué par le père et son fils, le récit du suicide caché du grand-père, l’avortement, l’épuisement de la flamme des sentiments, les mensonges, la lâcheté). "Je ne connais rien ici" affirme Luc au début du film, et c’est bien le fil de cet apprentissage à l’aveuglette de la vie sentimentale que Philippe Garrel dévide, prédisant l’échec quand "manquent les supports d’angle" et que sont ignorés ou oubliés les repères transmis par la génération antérieure. Une belle leçon épurée de cinéma et une pudique démonstration d’amour teintée de mélancolie pour le souvenir d’un père, qui ravira tous les aficionados du réalisateur.