Réalisateur de cinéma indépendant américain dont les films sont régulièrement sélectionnés par des festivals, tels que Sundance, Toronto et Venise, Tim Sutton demeure néanmoins relativement inconnu en France. La sortie en VOD de son quatrième long-métrage est l’occasion de découvrir ce cinéaste qui aime dépeindre différentes facettes des États-Unis à travers violence et réalisme brut. Après les déambulations d’un adolescent dans une banlieue aux paysages arides de l’Arizona, le périple d’un chanteur dans les rues de Memphis ou encore la fusillade d’Aurora, il s’inspire du roman de Frank Bill. Ayant lui-même grandi dans une petite ville de la campagne américaine, Sutton s’est immédiatement identifié à cette histoire. Chronique d’une région rurale du Midwest où la majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté, le titre du film fait référence au tournoi de combats à poings nus local. Pour les hommes et les pères de famille du coin, la récompense de 100 000 dollars en espèces au gagnant apparaît comme une opportunité en or, en dépit des dangers encourus pour tenter de l’obtenir. Ainsi, ces duels aux techniques rudimentaires symbolisent d’une certaine manière la lutte, souvent à leurs propres dépens, parfois au péril de leur vie, que sont incités à mener les habitants de ces régions reculées afin d’avoir une chance, très réduite, d’améliorer leur sort. De prime abord, on pourrait penser qu’il s’agit de montrer un tournoi de boxe à mains nues sous sa forme la plus physique. Or, cette attraction régionale est un prétexte à la mise en place habile d’un thriller sombre où chaque personnage se bat par tous les moyens pour assurer sa survie.
La star de Billy Elliot donne la réplique à Frank Grillo (Captain America, Avengers : Endgame) et Margaret Qualley (The Leftovers, Once Upon a Time… in Hollywood, Palo Alto). Ces deux derniers interprètent un frère et une sœur dont l’affaire familiale est le trafic de métamphétamine. Le concours de boxe à mains nues, qui semble être l’une des principales distractions des locaux, choque par sa brutalité. Mais, ce sont surtout les fusils et les pistolets que les personnages entreposent chez eux et portent comme des objets communs de première nécessité qui causent le carnage.
Tim Sutton continue ainsi sa critique cinglante de la culture de la violence, en particulier des armes à feu, qu’il avait entamée avec Dark Night, basé sur la fusillade au cours de la projection du film de Nolan dans un multiplexe d’Aurora. Ici, cette thématique est abordée par le paradoxe de ses personnages laissés-pour-compte. Si les poings et les armes sont terriblement meurtriers dans ce contexte, ils apparaissent aussi comme indispensable à la survie.
Erica Farges Ciné Chronicle