Et voici... grandiosement hilarant, fondant, amer, cynique, superbe, le film de Dino Risi, l’un des maîtres de feu la comédie italienne ; un des plus grands rôles d’Albeto Sordi avec L’Argent de la vieilleet le dieu des cinéphiles sait quel grand acteur il fut... Et pour comble de bonheur, Lea Massari dans toute sa splendeur !
Silvio est un pur, un dur, un incorruptible. Alors que tout le monde autour de lui traficote et « fait de l’argent » sans trop se soucier de la bonne moralité des moyens mis en oeuvre pour y parvenir, Silvio résiste. Journaliste au Travailleur, il refuse de s’abaisser, sans que personne ne lui en sache gré, pas même son fils qui le considère comme un raté : « qui ne gagne rien n’est rien », c’est bien connu. Silvio n’est donc riche que de ses belles valeurs morales héritées de la Résistance.
Non qu’il ait été un héros... Pour tout dire, en 1944, il était resté « embusqué » dans un moulin avec une jolie donzelle et plein de bonnes provisions, tandis que ses compagnons faisaient le coup de feu. Pas par lâcheté, non non ! N’allez pas croire ! Mais, tout respectueux des valeurs morales que l’on puisse être, ça n’empêche pas d’apprécier les douceurs de la vie. C’est justement ça qui complique les choses : ce mélange d’idéalisme et de penchant irrésistible pour l’hédonisme. Tous ses problèmes vont venir de là, de cette contradiction fondamentale. Dans une Italie où triomphe « la débrouille », c’est rien de dire que sa vie ne va pas être facile.
Impossible à raconter. C’est trop riche, trop touffu, trop rebondissant, trop drôle. Quelques dix ans de l’histoire de l’Italie, de la Résistance en passant par les élections de 48, avec toutes les promesses de changement qu’elles apportaient... Le monde de la presse, celui du cinéma, la vie des villages et celle des grandes villes. Une intrigue sociale et politique d’une précision sidérante, ponctuée des démêlés amoureux de Silvio, fatalement liés à son ascension sociale... Le tout à travers des situations cocasses, des gags fendards mais jamais gratuits. Rien, pas une scène n’est là au hasard, ou de trop. Un régal.