La Vie très privée de Monsieur Sim

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Monsieur Sim n'a aucun intérêt. C'est du moins ce qu'il pense de lui-même. Sa femme l'a quitté, son boulot l'a quitté et lorsqu'il vient voir son père à l'autre bout du monde, il n'a pas le temps de déjeuner avec lui. C'est alors qu'il reçoit une proposition inattendue : traverser la France pour vendre des brosses à dents qui vont

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Monsieur Sim (comme la carte)

 

C'est l'histoire d'un type ordinaire, Monsieur Sim (« comme la carte », ajoute-t-il invariablement pour se présenter), qui est persuadé d'être « ennuyeux à mourir », d'être un loser absolu. Et à force d'en être convaincu lui-même, il a fini par en convaincre les autres…
Quand le film commence, il rentre de vacances, un séjour tout compris dans un hôtel-club familial au bord de la Méditerranée. Mais il y est allé seul après avoir été plaqué par sa femme… Et chacun sait que rien n'est plus sinistre qu'un hôtel-club quand on est célibataire. Et sa conversation est à l'avenant : il est capable de disserter sur la diversité des menus dans chaque « Léon de Bruxelles » ou sur les vertus comparées des cafétérias d'autoroute… Prenez son père, à qui il rend visite lors d'une escale en Italie : il doit tellement redouter sa compagnie qu'il ne trouve même pas le temps de déjeuner avec lui…
Heureusement la vie réserve des surprises, même aux cas désespérés. Monsieur Sim (comme la carte) rencontre ainsi, un peu par hasard, un étonnant personnage (Mathieu Amalric, second rôle idéal) qui va lui raconter l'histoire du navigateur britannique amateur Donald Crowhurst, parti en course en solitaire et qui préféra se perdre en mer plutôt que d'abandonner et de décevoir son entourage… Ce destin certes tragique mais romanesque va lui donner une sorte de second souffle (un peu court mais c'est déjà ça) : François (on découvre qu'il a un prénom !) Sim décroche un improbable boulot de représentant en brosses à dents durables et, au volant d'une rutilante voiture hybride de fonction, équipée d'un GPS dangereusement omniscient, il part sur les routes, ce qui va lui permettre de prendre la tangente et d'essayer de reconquérir sa vie et les siens quelque part entre Bourg en Bresse et la Méditerranée. Un voyage à la découverte des secrets de familles et des plaies à cicatriser…
Ce rôle de solitaire dépressif mais volubile, capable de parler au premier venu même si son interlocuteur n'a rien demandé, est évidemment taillé sur mesure pour l'extraordinaire Jean-Pierre Bacri, qui excelle dans toutes les scènes de comique de situation mais qui donne d'emblée une réelle épaisseur humaine à son personnage. À partir de ce singulier François Sim auquel on s'attache de plus en plus au fil du récit, Michel Leclerc (souvenez-vous de son savoureux , dans lequel Jacques Gamblin incarnait le « dernier jospiniste », un loser, déjà…) nous donne une comédie pince-sans-rire qui est aussi une fable philosophique tendre et mélancolique, qui analyse avec lucidité, malice et tendresse notre société volontiers absurde, où des moyens de communication sophistiqués à l'extrême sont censés unir les gens et ne font que les isoler. Ultra-moderne solitude, comme chantait l'autre… Monsieur Sim espionne sa femme sur Facebook en se faisant passer pour une copine ; quand il mange avec sa fille, elle a le nez sur son portable en permanence et il faut qu'il l'enlève et l'emmène en boîte de nuit pour éveiller chez elle un peu d'intérêt pour son ringard de père… Et tout au long de ses journées de VRP, c'est finalement avec la voix féminine du GPS qu'il parle le plus souvent… Pas étonnant dans ces conditions si c'est en se replongeant dans le passé, ses cartons d'archives et ses vieilles bobines en 16mm que Sim va retrouver un certain sens, un certain goût à sa vie…