4 | 4.5 | 3.5 |
Pour son rôle d'Alice dans ce film aussi bouleversant qu'intelligent, on la donne grande favorite pour l'Oscar de la meilleure actrice, qui lui a très injustement échappé à plusieurs reprises. Après une heure et demie d'une performance incroyable, le cœur passé à la lessiveuse, on doit bien reconnaître que la performance de la sublime Julianne Moore (déjà primée l'an dernier à Cannes avec Maps to the stars de Cronenberg) mérite haut la main la statuette en or massif.
Elle est ici une belle (forcément) quinquagénaire à qui tout sourit. Alice Howland, brillante professeure de linguistique à l'université de Columbia, enseigne la cognition des jeunes enfants. Elle mène une existence saine et heureuse dans le quartier huppé de Upper West Side avec son mari aimant, lui-même professeur reconnu de physique, et ils ont trois enfants formidables. Seule ombre, légère, au tableau : l'inquiétude qu'Alice ne peut pas s'empêcher d'éprouver pour sa fille cadette Lydia (Kirsten Stewart), qui mène l'existence erratique et bohème d'une jeune comédienne de théâtre.
Et puis, lors d'une conférence devant des étudiants, elle se retrouve à buter bêtement sur quelques phrases de son intervention qu'elle connaît pourtant sur le bout des doigts. Coup de fatigue ? Stress ? Mais quelques jours plus tard, alors qu'elle fait son jogging matinal à proximité de l'université où elle se rend tous les jours, tout devient flou, elle est désemparée et ne reconnait plus les lieux. Peu après le verdict du neurologiste tombe : Alice est atteinte d'une forme précoce d'Alzheimer, forme qui de surcroit s'annonce rapidement évolutive, d'autant justement qu'Alice est une femme intelligente et cultivée. Pour elle dont l'activité intellectuelle et le langage sont le cœur de sa vie, le monde s'effondre. Car se pose la terrible question : combien de temps encore Alice, personnalité si complexe et subtile, sera-t-elle encore Alice ? Qu'est ce qui nous conserve notre identité quand une partie de notre esprit s'effiloche inexorablement ?
Après la réaction de stupeur – qui frappe aussi tout le monde autour d'elle – , Alice va se battre pour ralentir l'avancée de la maladie grâce à plein d'astuces : jeux de mémoire sur son téléphone, mots à mémoriser sur l'ardoise de sa cuisine, petits billets disséminés dans la maison, tutoriels enregistrés sur son ordinateur… Le récit, tout en subtilité, raconte le combat d'Alice et le désarroi de ses proches en évitant tous les écueils : pas de sentimentalisme forcé ni de complaisance faussement pudique, car la maladie est forcément faite de moments terribles, comme celui où Alice cherche désespérément les toilettes dans sa maison de vacances qu'elle connait depuis des décennies…
Il y a aussi des moments magiques de beauté comme cette scène merveilleuse dans laquelle Alice, déjà très malade, fait une intervention poignante devant d'autres patients atteints d'Alzheimer et leurs proches, et on la voit surligner au fur et à mesure ses phrases pour ne pas les répéter…
Répétons-le une dernière fois : Julianne Moore est extraordinaire, multiple, changeante, entre espoir et désespoir, dignité et lâcher prise, son visage de plus en plus perdu traduit de manière bouleversante la progression de la maladie. Et n'oublions pas ses partenaires, remarquables eux aussi, notamment Alec Baldwin et Kirsten Stewart.