C’est un jour de statu quo naturel où le ciel semble aussi paisible que la mer, jetant son bleu dans les reflets de l’eau. Un état naturel apaisé, sans altération ni remous. Le Soupir des vagues s’ouvre à Aceh, en Indonésie, coin de paradis que Sachiko, la Japonaise, a décidé de rejoindre, en quête d’un apaisement qu’elle n’a pas su trouver jusque-là. Il lui faut régler ses comptes avec son passé pour ne plus se laisser nonchalamment balloter par le présent. Et quel meilleur lieu pour marquer un nouveau départ que de se rendre sur les traces du dernier voyage de son père ? C’est ainsi qu’elle débarque chez sa tante Takako, installée à Sumatra depuis 2004 – année où elle était venue en aide aux victimes d’un des tsunamis les plus dévastateurs de l’histoire. Celle-ci l’accueille tout naturellement dans sa maison, où vit aussi son fils Takashi. Sachiko ne tarde pas à se lier d’amitié avec son cousin, mais aussi avec son indétrônable copain de fac, Kris, et son ancienne petite-amie Ilma, tous deux Indonésiens.
Comme si l’arrivée de Sachiko ne suffisait pas à rendre la maison de Takako soudain un peu trop exiguë, il faut au même moment offrir l’hospitalité à un « autre ». Un jeune homme surgi des vagues, un inconnu découvert inanimé sur le sable… Qui est-il ? D’où vient-il ? Surnommé Laut (« mer » en indonésien), il se révèle aussi amnésique que muet, pourtant capable de comprendre le japonais, l’indonésien, l’anglais… et de réaliser de bien étranges merveilles, devant un village tout entier fasciné.
Contre toute attente, Sachiko s’identifie à ce jeune homme presqu’aussi mystérieux qu’elle… Rapidement, la présence énigmatique de Laut se banalise comme s’il faisait depuis toujours partie de la famille, comme s’il n’avait pas besoin de s’exprimer pour être instinctivement compris. Sachiko paraît chaque jour lire davantage sa nature profonde, faisant écho à la sienne. « N’ouvre la bouche que si tu es sûr que ce que tu vas dire est plus beau que le silence… » Une présence bientôt capable de relier Sachiko à ses rêves… et de cristalliser peu à peu un gracile jeu de piste amoureux entre les quatre jeunes gens qui partent en quête, bien décidés à mettre au jour le secret des origines de Laut.
Kōji Fukada multiplie ainsi les points de rencontre entre les cultures japonaise et indonésienne, sous couvert d’influences rohmériennes, de motifs romanesques en tous genres (le scénario est directement inspiré du Mystérieux étranger de Mark Twain). Le tout baigné d’un animisme lumineux, cette croyance que les éléments ont une âme. Notre quatuor semble comprendre l’enjeu de ce que Laut incarne, la vision d’avenir et d’espoir écologique que l’homme mystérieux est venu porter, avec les vagues.
Avec une photographie doucement vaporeuse, le réalisateur déroule son allégorie de la connaissance de soi à travers celle de l’autre. À contre-courant de son récent thriller psychologique L’Infirmière, c’est du côté de l’enchantement qu’il se tourne, alimentant nos poésies intérieures en toute philosophie et innocence. Le Soupir des vagues est un film magique, dont il faut accepter les vertus salvatrices par le prisme de notre sensibilité plus que de notre raison. N’en va-t-il pas de même de l’amour ? (OJ)