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Solitude et compassion: c’est aussi ça l’Amérique
À Los Angeles, une femme âgée meurt anonymement dans un hôpital. À partir de là, quatre personnages sont les piliers de l'intrigue : une infirmière, une assistante sociale, une voisine – indiquée comme personne à contacter en cas d'urgence sur le formulaire d'admission – et un enquêteur des services publics. Tous partent à la recherche du plus proche parent de la défunte, on les suit durant les vingt-quatre heures suivantes. Le réalisateur Laurence Trush s'est plus d'une fois étonné de la population de la cité des anges souvent renouvelée, de ces nouveaux arrivants toujours désireux de venir s'installer dans cette ville où il réside lui-même. Un renouvellement incessant qui a son pendant terrible : on peut être décidément très seul dans cette ville, on y meurt seul aussi, trop souvent. Son film aborde de front cette solitude, la plupart du temps liée au déclassement social. Une vie puis une disparition sans bruit, que restera-t-il de ces êtres qui s'effacent, pour qui, pour quoi auront-ils vécu ? La frontière entre immersion dans le réel et fiction soigneusement construite est très mince. Le film associe les éléments du réalisme documentaire, un récit fort, une mise en scène au cordeau, des plans cadrés avec un soin pictural. Documentaire ou fiction ? Peu importe, le souci de l’authenticité et la crédibilité des personnages sont au centre de ce film étonnant, qui nous fait vivre une expérience ultra-sensible. On s'identifie à ces personnages malmenés, tout est corps à supporter, son et souffle court… L'administration que l'on décrit souvent comme inhumaine est ici tout le contraire. Elle accompagne, elle refuse de laisser tomber, de laisser l'oubli l'emporter. Elle cherche, elle répertorie les éléments de l'histoire de la défunte, elle trie, elle archive les papiers et les effets personnels. À Los Angeles, ce sont cent professionnels qui s'acharnent à retrouver le plus proche parent de ces corps non réclamés. Le réalisateur va donc suivre ces professionnels du non oubli. Pour se documenter, pour appréhender ce sujet sensible et trop rarement abordé, il s'est immergé dans leur quotidien. N'ayez crainte, vous ne retiendrez pas de ce film que le versant désespéré de la situation. Le réalisateur a su transmettre sa foi en la richesse de chaque être, et de la meilleure façon, en leur laissant une place, une trace dans un film riche de pudeur et d'empathie pour ces frères humains qu'on oublie un peu trop vite, qu'on abandonne.