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Liens du sang
C'est un film noir de haute volée: Diamant noir captive, nous envoûte de sa belle lumière étrange et nous plonge, brusquement, de l'esthétique de l'image à la violence et la complexité des relations humaines. Issu d'une famille de diamantaires d'Anvers, Pier Ulmann vivote de petits chantiers pour la bourgeoisie parisienne qu'il ne manque pas de dépouiller dès que l'occasion se présente… Sa « famille » c'est Rachid, le seul être qui compte à ses yeux, il est le chef d'un modeste réseau d'arnaqueurs et il rêve de réussir enfin un gros coup. Et de se ranger des voitures après.
Un événement qui aurait pu passer inaperçu, tant le divorce du sang semblait être consommé, va bouleverser la trajectoire de Pier et lui donner l'occasion de toucher du doigt ce qui le guide depuis toujours : à deux rue de chez lui, un clochard manchot meurt dans l'indifférence générale. Pier va apprendre que le malheureux était son père, que ce père est le frère d'un gros diamantaire belge, et le mouton noir d'une longue et prestigieuse dynastie.
Pier a grandi en marge de cette famille qui roule sur le diamant. L'éloignement, le mystère autour de l'accident qui a brisé son père n'ont eu de cesse de nourrir en lui un sentiment d'exclusion, une soif de revanche à la fois personnelle et sociale. L'enterrement du père sera le lieu des retrouvailles avec la famille.
Sur l'invitation de son cousin Gabi, Pier se rend à Anvers pour rénover les bureaux de la firme Ullman. En bon rejeton du banni, du déchu, la place qui lui est accordée dit bien ce qu'elle veut dire : il doit tenir à sa place, à la marge de ce milieu dont il ne connait rien et dont il n'a pas les codes. Mais il va peu à peu séduire et intriguer ce clan – et en particulier son oncle, le chef vieillissant – qui, doucement, précautionneusement, lui ouvre ses portes. Il va donc avoir le « privilège » de fréquenter de près cette famille à la fois fascinante et repoussante mais surtout de découvrir un art pour lequel il va faire preuve d'un talent quasi inné.
« Tu vas là-bas pour voir, et prendre » ordonne Rachid… mais la situation devient plus complexe, les relations entre les personnages sont plus subtiles, sans cesse mouvantes. La galerie de portraits est saisissante, mais chacun des « monstres » s'humanise doucement et nous fait glisser de l'inconfort de départ vers l'empathie pour des personnages qui, chacun de leur côté, révèlent leur vérité intérieure, se laissent polir, tailler tels les diamants dont ils font marché et dont la lumière entre comme dans un miroir pour en ressortir amplifiée, décuplée pour enfin montrer toute la brillance de leurs facettes.