La Forêt de Quinconces

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Ondine et Paul se sont aimés. Quand elle le quitte, il jure qu'il n'aimera plus. Pour se le prouver, il poursuit la belle Camille, qu'il compte séduire et délaisser. Mais Camille envoûte Paul qu'elle désire pour elle seule. Et tandis qu'il succombe au charme de Camille, Paul affronte le souvenir de son amour passé.

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CANNES 2016 - SÉANCE SPÉCIALE

L'une danse, l'autre pas

“L’art naît de contraintes, vit de luttes et meurt de liberté”, déclare Grégoire Leprince-Ringuet, en citant André Gide, à propos de la gestation de son premier long métrage après les courts Dimanche matin (2010) et Inaperçu (2011). “J’ai dû réécrire des scènes entières pour les faire tenir dans le plan de travail, explique-t-il. À chaque fois, la scène a gagné de cette adaptation.” Le scénario de ce chassé-croisé amoureux dialogué en alexandrins lui a été inspiré par quelques poèmes de son cru et un axiome d’architecte paysagiste. “Écriture, préparation, tournage, montage… Pour moi, c’est un seul geste, déclare-t-il. J’aime toutes ces étapes, chacune en particulier. Du reste, le plaisir d’entendre un acteur dire pour la première fois le texte que vous avez écrit procure un plaisir suprême, comparable à celui que doivent éprouver les scientifiques à l’issue d’une expérience cruciale: le résultat attendu apparaît et, tout à coup, la preuve est faite que l’esprit avait raison contre l’inconnu.” Et le jeune réalisateur de revendiquer sa filiation : “Arnaud Desplechin est un maître pour moi. Rois et reine est le meilleur film du monde, j’ai dû le voir une trentaine de fois. Au-delà de son propre style, il a inventé une ‘école’ et a aujourd’hui des disciples. Cela se remarque en particulier dans le montage.” Pour La forêt de Quinconces, Leprince-Ringuet, lui, a bénéficié de ce qu’il qualifie de “régime sec. Pas de sel, pas de matière grasse : 27 jours de tournage, 13 membres dans l’équipe, un seul camion. La quintessence de l’essentiel. Ce fut un tournage très joyeux”.

Les belles personnes

C’est un drôle d’objet que ce film-là, littéraire et audacieux en diable, d’une fraîcheur insolente, d’une énergie folle, d'un romantisme échevelé. Ce qui frappe d'abord dans La Forêt de Quinconces, ce sont les mots. Des mots comme on en n'entend (presque) jamais. Des mots ciselés qui pourraient paraître trop écrits, trop déclamés, trop travaillés mais qui prennent, par le rythme, par le souffle, par la formidable manière dont le jeune et talentueux trio les habite, une énergie dévorante qui emporte tout sur son passage, nos préjugés et nos craintes en premier. Car sans discontinuité apparente avec leur vie ordinaire, les personnages de La Forêt de Quinconces se trouvent brusquement embrasés d’une fièvre verbale à la hauteur des sentiments qui les enflamment, et conversent alors éperdument… en vers ! Le fond se confond avec la forme comme par enchantement.
Tourné avec les moyens du bord, à Paris, à la campagne, dans une cage d’escalier, une chambre de bonne mais aussi dans les coulisses et sur la scène d’un théâtre, c'est donc un film qui dit, qui proclame son amour du texte et des mots, des mots plus puissants et plus grands que le cadre dans lequel ils prennent vie. Et si la rime peut parfois paraître incongrue, elle n’est jamais ni ridicule ni anachronique, parce qu’au fond, ce qu’elle raconte de la fulgurance, de la passion, des chassés-croisés amoureux a toujours la même saveur depuis Tristan et Yseult.
Il y a dans La Forêt de Quinconces un jeune homme trop amoureux, Paul, et une jeune femme qui le quitte, Ondine. Il y a la déception et l’horreur de l’abandon, puis l’envie de vengeance… Il y a la nouvelle venue, jalouse de toutes celles d’avant. Il y a un trio amoureux, deux femmes que tout oppose et un homme au milieu. Il y aussi un chœur antique, des danses, de la musique, du slam, un clochard philosophe et quelques sortilèges… sans oublier un coucher de soleil. Ça fait beaucoup pour un seul film ? Peut-être… Mais ça change de tous ceux qui se contentent de peu. 
Loin de toutes les modes, hors des cadres, hors des codes, La Forêt de Quinconces possède la grâce et l’audace des vingt-huit ans de son jeune réalisateur, Grégoire Leprince-Ringuet, comédien vu chez André Téchiné, Christophe Honoré ou Robert Guédiguian. Le cinéaste débutant orchestre son petit monde avec un talent incontestable et un lyrisme presque rageur qui parfois frise l’ivresse. Pour sûr que cela ne plaira pas à tout le monde, mais faut-il plaire à tout le monde ?