Incroyable, insaisissable, incernable Isabelle Huppert ! Souvenir la met en scène en Liliane, ouvrière dans une usine de pâté, autrefois connue comme Laura, chanteuse à succès dont la disparition brutale de la scène est encore dans les esprits. Elle qui a connu la gloire et les paillettes vit aujourd'hui incognito dans un monde aseptisé et volontairement dénué d’émotions, au rythme languissant d'une vie quotidienne ennuyeuse qu’elle noie dans l’alcool. Elle a payé cher sa déchéance. Le bruit que font les bocaux de pâté qui se cognent entre eux, les aiguilles de l’horloge de l’usine ou les glaçons jetés dans le verre de whisky sont désormais le seul univers musical de Liliane qui n'est plus Laura.
Le film va raconter sa rencontre fortuite avec Jean (Kevin Azaïs), élevé par son père dans le culte de la chanteuse. Les deux sont évidemment aussi différents qu'on peut l'imaginer, et à tous les points de vue, mais ils vont s’apprivoiser, se faire confiance, se faire du bien, s’aimer. Le retour à la vie pour l’une, et l’accès au monde adulte pour l’autre. L’une rajeunira quand l’autre mûrira.
L’émotion dans Souvenir est évidemment présente, mais elle se fait discrète, subtile, sans drame. Le réalisateur Bavo Defurne dépeint très bien la jubilation ressentie par Laura, qui renaît par la chanson : la transformation grâce à la musique se fait par petites touches, la joie transparait dans les traits de son visage et son corps se trouve soudain libéré de ses carcans. Voir et écouter Isabelle Huppert chanter en robe de soirée dans une kermesse cycliste un après-midi vaut le détour.
Bavo Defurne observe ses personnages avec bienveillance, sans jugement ni moquerie. Le rire qu’il provoque n’est jamais pathétique. L’attitude de Jean, confronté au monde des apparences du showbiz, prête parfois à sourire mais jamais sa sincérité. Grâce à son humanité, il réalisera d’une certaine manière le fantasme de son père et permettra aussi à sa mère de se réconcilier avec une jalousie d’un autre temps.
C'est un conte – et comme à tous les contes, on n'est pas obligé d'y croire dur comme fer – un conte attachant et délicat dont la chanson Joli garçon trottine joliment dans la tête.
(Sylvie-Noëlle, leblogducinema.com)