Paul Sanchez est revenu et ce n’est pas franchement une bonne nouvelle. Depuis la gare des Arcs-sur-Argens, où il a été aperçu, aux zones commerciales des alentours, où il semblerait qu’il ait traîné sa grande carcasse, la rumeur est là : le meurtrier dont on avait perdu la trace depuis dix ans, qui s’est évaporé tel un spectre, est bien de retour parmi les vivants. Chez les flics, la nouvelle n’est pas vraiment prise au sérieux parce que depuis toutes ces années, ils en ont eu des fausses pistes et des témoignages plus ou moins crédibles ! Ça fait partie du folklore des faits divers, ça alimente le café du commerce et ça fait vendre du papier, parce que quoi de plus fascinant finalement qu’une bonne vieille trouille bien viscérale, celle qui parle à tout le monde par son effroyable banalité ? Car Paul Sanchez était Monsieur tout le monde : un mari, un père, un voisin, un collègue de travail, un type a priori discret et sans histoire… mais quand on a trucidé sa famille tout entière avant de disparaître du réel pour venir alimenter les fantasmes les plus fous, des histoires, il y en a forcément, de folie, de dettes, de jalousie, d’adultère ou que sais-je.
À la gendarmerie locale, donc, ce n’est pas cette rumeur qui va venir troubler le quotidien… On prend comme toujours les dépositions : cambriolage, vol à la tire, nuisance de voisinage, incivilités, disparition suspecte… La litanie des méfaits plus ou moins graves, plus ou moins dommageables dresse en filigrane le portrait d’une société qui ne va décidément pas très bien et où chacun, flic et citoyen, assiste, impuissant et presque résigné, à la lente et insidieuse dégradation de ce vivre ensemble qui semble se vider de son sens, comme un cadavre se vide peu à peu de son sang.
Pourtant, la jeune Marion, fraîchement sortie de l’école de police avec son enthousiasme débordant, sa soif inébranlable de justice et une certaine candeur qui n’est pas encore abîmée par la routine ou les blagues lourdingues des collègues, sent bien que l’affaire Paul Sanchez n’a pas tout à fait fini de révéler ses secrets. Aidée par le journaliste de la gazette locale qui est bien décidé à être le premier sur le coup pour sortir le scoop de l’année, la chasse au loup va commencer.
Car Paul Sanchez est revenu, il est là, il rôde, il n’est pas loin, il laisse des traces, il prend des risques, il envoie des mails. Dix ans après son crime, il est prêt à tout raconter…
Le film noir n’a pas toujours le même visage. Sous la caméra affûtée de Patricia Mazuy (Peaux de vaches, Saint-Cyr, Sport de filles), il prend tour à tour des allures de farce, de thriller ou de fable sociale cruelle où l’injonction de réussir pour accéder aux biens qui définissent l’appartenance à la classe dominante (ici la piscine) finit par porter en elle le poison qui fait tout dérailler. Car sans dévoiler les secrets de ce film au suspense tendu et au ton intriguant, Paul Sanchez n’est peut-être finalement pas un meurtrier, mais bien l’incarnation d’un malaise autrement plus dévastateur qu’un loup solitaire qui a pété les plombs.