Gaza mon amour

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Issa, un pêcheur de soixante ans, est secrètement amoureux de Siham, une femme qui travaille comme couturière au marché. Il souhaite la demander en mariage. C'est alors qu'il découvre une statue antique du dieu Apollon dans son filet de pêche, qu’il décide de cacher chez lui. Quand les autorités locales découvrent l’existence de ce trésor embarrassant, les ennuis commencent pour Issa.

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Pour affronter et transmettre dans leurs films la situation intenable que subit leur pays natal, Arab et Tarzan Nasser, les jumeaux fétiches du cinéma palestinien, originaires de Gaza, ont choisi les armes de la poésie, de l’humour, de la tendresse. Pour montrer que malgré les aléas, les privations, les entraves à la liberté, les bombes qui tuent et mutilent, un peuple libre et fier continue à vivre, à aimer, à espérer, à rire, à faire la fête. Dans leur premier long métrage, Dégradé, les frères Nasser racontaient déjà, avec une dérision irrésistible et un amour communicatif de leurs personnages, une tranche de vie de la petite enclave palestinienne coincée entre Égypte et Israël à travers les conversations – parfois parasitées par le bruit des tirs d’armes à feu venant de la rue – entre les clientes hautes en couleur d’un salon de coiffure. Dans ce très beau Gaza mon amour, ils nous livrent une histoire d’amour aussi simple que belle et quasi-miraculeuse.
Issa est un pêcheur sexagénaire un peu ronchon, qui vivote des quelques kilos de poissons pêchés dans l’étroite bande côtière concédée aux Gazaouis. Jaloux de son indépendance et de sa liberté d’action – et sans doute aussi parce qu’il n’a pas rencontré l’âme sœur –, il ne s’est jamais marié, malgré les manigances de sa sœur qui s’obstine à vouloir lui proposer des prétendantes. Et puis, un beau jour, Issa croise Siham, une belle couturière qui tient avec sa fille divorcée une échoppe de vêtements pour femmes. Et là tout change : Issa se transforme en soupirant aussi timide et pataud qu’un jouvenceau et se lance dans des tentatives d’approche pour le moins maladroites : il s’arrose du parfum bon marché fourni par son ami commerçant – qui, lui, ne rêve que d’exil en Europe – et va même, prétexte dérisoire, jusqu’à demander à la couturière de lui raccourcir un pantalon parfaitement à sa taille ! Mais voilà, rien n’est simple à Gaza. Il y a le qu’en dira-t-on, la réputation, le statut du prétendant, la fierté de la courtisée, mais aussi et surtout tout ce qui fait le quotidien du territoire : les coupures incessantes d’électricité, la misère endémique, les tracasseries des militaires israéliens, les bombardements plus ou moins lointains qui finissent par se rapprocher et qui peuvent tout interrompre.
La vie d’Issa devient encore plus compliquée quand il récupère dans ses filets une statue antique d’Apollon, qui arbore pour la blague un sexe en érection, une trouvaille d’une valeur inestimable qu’il va tenter de cacher mais qui va vite devenir un objet de convoitise et de tractations entre factions du Hamas !
Les frères Nasser décrivent avec un talent fou les aspects aussi terribles qu’absurdes de la vie quotidienne à Gaza, dans un style chaplinesque et drolatique qui n’est pas sans rappeler le cinéma d’Elia Suleiman, tout en dessinant avec une grande sensibilité la carte du tendre entre Issa et Siham, incarnés magnifiquement par Salim Daw et notre chère Hiam Abbas.
On avait les Coen, les Dardenne, les Larrieu… Accueillons avec joie une nouvelle fratrie dans notre petit panthéon du cinéma : les jumeaux Nasser, ambassadeurs sur grand écran d’une Palestine irréductible.