Ouvert sur le témoignage d’un écrivain exilé politique basque qui évoque une enfance où il devait « cacher sa langue comme une chose laide »,Faire la parole emboîte ensuite le pas à de jeunes gens issus du Pays basque français et espagnol, tels Nora, qui a vu le journal où elle travaillait fermé par la Guardia Civil en 2003, puis Aitor, Ana et Ortzi. Ces derniers, encore adolescents, donnent une coloration estivale et flâneuse au film, cadré magnifiquement par l’opérateur fidèle d’Eugène Green, Raphael O’Byrne. Entre les plus jeunes et les trentenaires s’instaure un dialogue d’une qualité rare, comme si la différence de langue, que chacun a dû imposer qui à sa famille, qui à son entourage national, créait une communauté secrète, à mi-mot. Parti d’enjeux politiques (les langues régionales contre le centralisme), le récit randonne dans les montagnes avec ces amis de fraîche date rassemblés par le cinéaste. Peu importe que les doux liens qui se tissent entre eux soient éphémères. Il suffit d’un moment d’extrême concentration devant les chants a capella d’un aîné pour faire ressentir l’ardeur de cet être-ensemble. Il leur faudra aussi assister à des manifestations plus folkloriques de « basquité » (une pastorale) pour se saisir eux-mêmes d’instruments, ou se lever pour danser – bref, pour « faire le corps » après avoir fait la parole. (Charlotte Garson)