Suprêmes

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1989. Dans les cités déshéritées du 93, une bande de copains trouve un moyen d’expression grâce au mouvement hip-hop tout juste arrivé en France. Après la danse et le graff, JoeyStarr et Kool Shen se mettent à écrire des textes de rap imprégnés par la colère qui couve dans les banlieues. Leurs rythmes enfiévrés et leurs textes révoltés ne tardent pas à galvaniser les foules et … à se heurter aux autorités. Mais peu importe, le Suprême NTM est né et avec lui le rap français fait des débuts fracassants !

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Festival de Cannes 2021 : hors compétition

La jeunesse de NTM

Ce biopic du groupe de rap français Suprême NTM est le sixième film d’Audrey Estrougo, dont elle a signé le script avec Marcia Romano, par ailleurs présente à Cannes hors compétition en tant que coscénariste du film d’Emmanuelle Bercot, De son vivant, mais aussi collaboratrice régulière d’Emmanuel Bourdieu et de Xavier Giannoli. Suprêmes s’attache à la période allant de la naissance du groupe en 1989, en Seine-Saint-Denis, à son premier concert au Zénith de Paris, quatre ans plus tard, sur fond de révolte des banlieues. Les deux jeunes rappeurs JoeyStarr et Kool Shen (qui ont participé à l’écriture du scénario) sont interprétés à l’écran par Théo Christine, vu en 2020 dans Garçon chiffon de Nicolas Maury, et Sandor Funtek, qui a effectué de brèves apparitions dans deux Palmes d’or : La vie d’Adèle (2013) d’Abdellatif Kechiche et Dheepan (2015) de Jacques Audiard. L’acteur est également à l’affiche d’un autre film en compétition cette année, L’histoire de ma femme d’Ildikó Enyedi. Produit par Nord-Ouest Films, France 2 Cinéma et Artémis Productions, Suprêmes sortira le 24 novembre sous l’égide de Sony Pictures Ent. France. C’est un autre rappeur, le DJ Cut Killer, qui s’est chargé de composer la musique originale de Suprêmes, après ses collaborations pour La squale (2000) et Neuilly sa mère ! (2009).

 

 

Écrit par la réalisatrice et Marcia Romano (nominé au César 2016 du meilleur scénario pour La tête haute avec la participation de JoeyStarr, Kool Shen et DJ S., le scénario débute en France, dans les années 90. Alors que des affrontements de plus en plus violents entre la police et les banlieues font rage, certains choisissent le hip-hop comme expression de leur révolte. Deux jeunes de Seine-Saint-Denis, Didier Morville et Bruno Lopez deviennent rapidement (sous leurs noms d’artistes JoeyStarr et Kool Shen), les porte-paroles de toute une génération. C’est la naissance du rap, la naissance d’un groupe : Suprême NTM. Tourner un film biographique à propos de Suprême NTM, l’un des (plusieurs disent LE) plus grands groupes de rap de France, était un pari hautement risqué. C'eût été tellement facile de tomber dans des clichés hip-hop et caricatures de ses codes. Mais la réalisatrice Audrey Estrougo a évité ces pièges. La cinéaste livre un retour au tournant de la décennie 90 hyper réussi, d’un réalisme qui cogne, n’épargnant aucune violence, pas même celle que JoeyStarr et Kool Shen, les deux figures de proue du groupe, s’infligeaient l’un et l’autre. Des premiers tags dans le métro jusqu’à leur premier Zénith. On découvre ce qui lie ces deux garçons issus des cités, la relation toxique de JoeyStarr avec son père, les premières scènes dans des MJC de la région parisienne, la signature de leur premier contrat, la découverte des studios d’enregistrement, le départ en tournée dans des camions de location avec toute la bande, le concert mythique sur un parking de banlieue éclairé par des phares de voitures.
Très politique, Suprêmes s'ouvre sur un discours condescendant de Mitterrand sur les banlieues et le manque de perspective et de culture pour les jeunes qui y vivent. On est en 1988 et le rap, pensent Kool Shen et JoeyStarr, est un truc d'Américains. Eux, ce qui les intéresse, c'est de graffer le métro et de danser. Pourtant, ils vont se mettre à rapper en français pour crier le mal-être des jeunes de banlieue… Cinéaste ayant grandi en Seine-Saint-Denis, Audrey Estrougo (connue pour Toi, moi, les autres avec Leïla Bekhti en 2011 ou La Taularde, avec Sophie Marceau en 2015) a soigné sa reconstitution de la France de la fin des années 1980 pour retrouver l'ambiance survoltée des cités en pleine ébullition, alors que les bavures de la police se multipliaient déjà… Pour l'aider, elle a pu bénéficier du soutien des trois membres fondateurs de NTM : Kool Shen, DJ S, mais surtout JoeyStarr. Ce qui a pour effet de déséquilibrer quelque peu le récit vers ce dernier pour ce qui est de la trajectoire personnelle, le film insistant notamment sur sa relation très conflictuelle avec son père.
Côté musique, le film assume une part de la légende NTM, se disant "librement inspiré" des débuts du groupe, mais parvient parfaitement à nous replonger dans l'ambiance hip-hop d'alors. Notamment grâce à la BO parfaite de Cut Killer, mais aussi à deux jeunes comédiens impressionnants : Sandor Funtek (qui avait fait ses débuts dans La Vie d'Adèle de Kechiche) et Théo Christine (vu récemment dans Garçon chiffon de Nicolas Maury). Ils ne se contentent pas de jouer Kool Shen et JoeyStarr, ils ont également interprété chacun des morceaux qu'ils chantent sur scène. Bluffant !