Une rivière sépare deux clans qui se détestent viscéralement. Le conflit s’envenime, et un sentiment d’insécurité prédomine. Chaque sortie devient un danger imminent. Pour son quatrième film, le prometteur réalisateur philippin met en scène, avec assurance, les luttes territoriales de deux clans familiaux dont la rancœur et la haine se transmettent de génération en génération. Hommage à ces femmes qui tentent, malgré la perte d’êtres chers, de maintenir l’unité familiale, cette fiction renversante met en lumière un de ces nombreux conflits oubliés à travers le monde.
La région de Mindanao, au sud des Philippines, où se côtoient plusieurs communautés et confessions, est le théâtre de nombreux conflits depuis la fin des années 60. Il faut remonter à la période coloniale pour saisir la complexité des enjeux qui sont en premier lieu d’ordre territorial, le sous-sol de la région étant particulièrement fertile et riche en minerais. C’est dans ce contexte que les affrontements se sont multipliés, entre indépendantistes musulmans et forces armées nationales, populations indigènes et migrants de première ou seconde génération, aggravés par une culture de clans et l’apparition de groupuscules islamistes, les grands propriétaires philippins et les multinationales agroalimentaires, forestières et minières n’hésitant pas à jouer des tensions entre les communautés pour prendre le contrôle des richesses naturelles. En près de cinquante ans, on compte ainsi dans cette région, marquée par les vendettas et représailles à l’issue fatale, plus de 140 000 morts et des millions de déplacés. Les femmes de la rivière qui pleure est un hommage à ces femmes qui tentent, malgré la perte d’êtres chers, de maintenir l’unité familiale, et in fine une réflexion engagée sur la responsabilité coloniale.