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A Bread Factory étonnera peut-être les fans des deux splendides drames précédents du cinéaste américain Patrick Wang : In the Family, histoire inoubliable d'une famille homoparentale brisée par le décès soudain d'un des deux pères, et Les Secret des autres, deux films que vous avez aimés au moins autant que nous et que la presse dithyrambique (et qui sont tous deux disponibles en Vidéo en Poche !), et qui tous deux questionnaient magnifiquement l'intime des personnages dans le cadre familial, personnages brisés par une tragédie et dont on voyait la douloureuse reconstruction, qui passait par l'ouverture de chacun aux autres en surpassant ses préjugés. De magnifiques œuvres humanistes qui pouvaient évoquer l'esprit d'un Capra. A Bread Factory est étonnamment une comédie plutôt jubilatoire autour de l'expérience étonnante d'un lieu culturel atypique installé, comme le titre du film l'indique, dans une ancienne boulangerie industrielle. Mais ce qu'on retrouve de Patrick Wang, c'est cette capacité à malaxer le réel pour en faire une fiction qui l'interroge, le transcende, le rend passionnant.
Patrick Wang a été frappé et directement inspiré par son passage lors d'une projection dans un lieu absolument atypique : TSL (Time and Space Limited), à Hudson dans l'Etat de New York (à sa fondation en 1973, TSL était implanté à New York même, mais a dû déménager face à la pression immobilière), un lieu pluri-culturel tenu à bout de bras par un collectif particulièrement stimulant, mené par ses ses fondatrices, les incomparables Claudia Bruce et Linda Mussman. Tombé amoureux du lieu et de ses deux créatrices, Wang a construit une fiction dans laquelle (ce qui est tout à fait probable par les temps qui courent où chaque lieu indépendant peut être frappé par la gentrification qui frappe de Marseille à New York en passant par Montreuil ou Berlin) l'oasis culturelle de la Bread Factory est menacée par l'arrivée au bout de la rue de riches artistes contemporains qui ont décidé de créer un lieu branché qui a toute les faveurs de la municipalité, bien décidée à reporter ses subventions sur les nouveaux arrivants.
Patrick Wang décrit magnifiquement, pas à pas, les différents personnages qui font la diversité de la Bread Factory, avec les projectionnistes même pas pubères, les réalisatrices qui pètent les plombs quand on ne leur pose pas de questions dans les débats… Mais il décrit surtout la lutte à la fois cocasse et fondamentale de David contre Goliath, de l'équipe de la Bread Factory face à la technocratie et face à la gentrification inexorable, même dans cette petite ville. Le tout dans un style volontairement facétieux, voire fantaisiste, porté par deux actrices formidables, notamment Tyne Daly, actrice très connue du public américain pour ses séries à succès.
Ce qui nous unit est un vrai bonheur de film qui se suffit parfaitement à lui-même mais, vu le plaisir qu'on a pris à le voir, on est impatient de découvrir la deuxième partie qui sortira sur les écrans début janvier…