Memory Box

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Montréal, le jour de Noël, Maia et sa fille, Alex, reçoivent un mystérieux colis en provenance de Beyrouth, Ce sont des cahiers, des cassettes et des photographies, toute une correspondance, que Maia, de 13 à 18 ans, a envoyé de Beyrouth à sa meilleure amie partie à Paris pour fuir la guerre civile . Maia refuse d’affronter ce passé mais Alex s’y plonge en cachette. Elle y découvre entre fantasme et réalité, l’adolescence tumultueuse et passionnée de sa mère dans les années 80 et des secrets bien gardés.

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Dans ce film au titre évocateur, le couple d’artistes et cinéastes libanais Joanna Hadjithomas et Khalil Joreige, aussi précieux que rare sur nos écrans, interroge une nouvelle fois (après A perfect day en 2005, Je veux voir en 2008 et The Lebanese rocket society en 2012) la mémoire (et sa transmission) de leur pays meurtri, confrontée à un présent toujours incertain et chaotique
Au début de Memory box, nous sommes bien loin du Liban : à Montréal, une grand-mère et sa petite fille préparent la veillée de Noël, alors que dehors la tempête de neige se déchaîne. On comprend, à leur dialogue moitié en français moitié en arabe, que la famille n’est pas franchement canadienne de souche. Alors que les femmes s’attaquent aux traditionnelles feuilles de vigne chères à la cuisine orientale, un livreur apporte un énorme carton qui vient de France, expédié par les proches d’une certaine Liza. Le colis semble beaucoup perturber la grand-mère qui, après avoir tenté de refuser la livraison, intime à sa petite fille de ne pas l’ouvrir. Évidemment la jeune Alex ne va pas obéir (« je veux voir » pourrait-elle dire elle aussi) et découvrir tout un tas de lettres et cassettes que sa mère Maia a envoyé adolescente depuis Beyrouth, alors en pleine guerre civile, à sa meilleure amie Liza, partie se réfugier en France : les deux amies s’étaient fait la promesse, après leur séparation, de se donner des nouvelles, de se raconter mutuellement leur nouvelle vie. Et Alex va découvrir ainsi tout un pan de l’existence de sa mère, resté tu jusque là…
Hadjithomas et Joreige construisent un récit fascinant, aussi émouvant que ludique, qui va et vient entre le réel et la fiction. Il est basé sur les carnets et lettres bien réels que Joana a rédigés pendant la guerre civile libanaise des années 1980. Les lettres et carnets vont s’animer, et les personnages évoqués prendre vie pour rappeler le contexte de l’époque, raconter une jeunesse insouciante qui, malgré les bombardements et les proches tombés au combat (comme ce frère dont le décès brisa le père pacifiste et utopiste), veut vivre, aimer, danser jusqu’au bout de la nuit sur Blondie ou Killing Joke, la musique qui a fait vibrer les années 80 dans le monde entier… Avec bien sûr une histoire d’amour, désavouée par les parents puisque l’élu a le tort, selon le père de Maia, d’être proche d’une des factions armées.
Le talent visuel des cinéastes (connus et reconnus comme artistes contemporains) fait merveille pour créer un univers foisonnant, à partir d’images de diverses natures, de séquences d’animation, de graphiques, parfois à la lisière de l’expérimental comme quand le ciel constellé d’explosions s’embrase. Toutes ces images « bricolées » contrastent avec celles, tristement numériques, qu’Alex et ses copines s’échangent sur Whatsapp, Instagram… dans un flux continu qu’Alex va justement suspendre le temps de se plonger dans le passé maternel.
Et du coup naît une très belle réflexion sur l’indispensable transmission d’une histoire cachée, méconnue, sans laquelle les générations futures ne peuvent construire leur identité forcément multiple. Hommage à un Liban toujours en quête de liberté et résiliant malgré les terribles épreuves passées et présentes, Memory Box est aussi le superbe portrait de trois générations de femmes qui se sont justement construites à travers ces épreuves ou les souvenirs indélébiles qu’elles ont laissés.