Ali & Ava

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Pour des raisons différentes, Ali et Ava se sentent chacun seuls. Ils vont se rencontrer grâce à leur affection commune pour la fille des locataires slovaques d’Ali, Sofia (6 ans), dont Ava est l’assistante scolaire. La chaleur et la gentillesse d’Ava réconfortent Ali tandis qu’elle apprécie son humour et sa complexité. D’une nouvelle lune à l’autre naît un lien profond, puis une passion qui les enflamme. Mais les séquelles de la précédente relation d’Ava et le désarroi émotionnel d’Ali assombrissent ce nouvel amour.

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Quinzaine des réalisateurs 2021

Aimer envers et contre tout

Très librement inspiré de Tous les autres s’appellent Ali de Rainer Werner Fassbinder, ce dernier long métrage de Clio Barnard (qui avait présenté Le géant égoïste à la Quinzaine en 2013) raconte l’histoire d’une matriarche respectée, issue d’un milieu catholique irlandais. Habitante de Bradford dans un quartier majoritairement blanc, elle va faire la rencontre d’Ali, dévoué à sa communauté et à sa famille, et vivant avec une épouse dont il est en réalité séparé. La rencontre de ces deux solitaires que tout semble opposer va faire des étincelles. Interprété par les comédiens Claire Rushbrook et Adeel Akhtar, le film a été tourné durant six semaines sur les lieux mêmes de l’action dans le nord de l’Angleterre, à Bradford, ville marquée au début des années 2000 par des émeutes raciales d’une rare violence et où les tensions restent particulièrement vives. La cinéaste a tenu à associer très en amont du projet la population locale, qui a notamment fourni de nombreux rôles secondaires. Un travail déjà entamé sur ses films précédents, mais qui a été mené cette fois en profondeur. ”Plusieurs familles ont été impliquées et pas seulement dans la distribution puisqu’elles nous ont conseillés pour les décors, les costumes et même les dialogues, afin que soit représentée au mieux leur ville”, raconte la coproductrice Ameenah Ayub Allen. ”Cela a permis d’enrichir considérablement le film, tout en assurant une participation riche et efficace à ces communautés qui sont largement sous-représentées au cinéma, mais aussi en général.”

 

 

C’est un film délicieux et généreusement humaniste, un petit bijou britannique nous offrant le plaisir rare de voir une très chouette comédie romantique qui ne se déroule pas chez les nantis ou les branchés des quartiers chics de Londres, tous beaux et rutilants comme des Rolls volées, mais chez les gens de peu, les habitants ordinaires de Bradford, petite ville ordinaire du Yorkshire, dans le Nord de l’Angleterre, à quelques encablures de Leeds. Autant dire que le coin ne respire pas la prospérité et ne fait pas vraiment rêver.
Ava est une assistante d’éducation quinquagénaire d’origine irlandaise, veuve d’un mari qu’elle ne regrette pas plus que ça (on comprendra qu’il avait l’alcool mauvais), quatre fois mère et cinq fois grand-mère. Elle n’a pas la vie tellement facile mais ne songe pas à s’en plaindre, heureuse dans son boulot, énergique, optimiste et souriante. Ali quant à lui est dans les mêmes âges, il est d’origine pakistanaise, fondu de musique et vit des petits loyers d’appartements qu’il loue à des familles modestes avec qui il entretient des relations quasi-amicales. Dans une ville industrielle sinistrée, fracturée par des obsessions identitaires, Ava et Ali n’ont a priori aucune chance de se rapprocher…
Oui mais il y a Sofia, la gamine adorable et légèrement handicapée d’une famille slovaque locataire d’Ali. Sofia qu’Ali a pris en affection et qu’il emmène et va chercher régulièrement à l’école… où elle est prise en charge par Ava. Et il suffira d’une copieuse averse pour qu’Ali propose à Ava de la raccompagner chez elle, bien qu’elle vive dans un quartier pas franchement paki-friendly : c’est l’occasion d’une scène réjouissante avec des gamins racistes par réflexe qu’Ali va retourner comme un gant grâce à une chanson bien choisie que tout le monde chantera en chœur. De là va naître une relation de complicité qui ne demande qu’à s’épanouir tant les affinités entre Ali et Ava sautent aux yeux…
Mais cet amour débutant ne va évidemment pas aller sans de multiples rebondissements. Ali est en pleine séparation d’avec son épouse, dont il se croyait jusque là toujours épris et qui vit toujours avec lui, ne serait-ce que pour ne pas avoir à annoncer le divorce à sa famille… Ava est de son côté confrontée à la possessivité de son plus jeune fils (néanmoins père d’une petite fille) qui se remet mal de la disparition brutale de son père, dont il refuse de croire qu’il pouvait ne pas être un mari idéal. Confrontée aussi à la réactions négative de toute sa famille, qui voit d’un sale œil une idylle avec un « métèque ». Chacun va donc devoir réussir à tourner la page, et solder ses comptes avec un environnement hostile pour pouvoir vivre cet amour qui leur tombe dessus sans prévenir.
Clio Barnard, dont on avait adoré Le Géant égoïste – également tourné à Bradford, ville que la réalisatrice connaît par cœur et dont elle restitue bien les contrastes, entre dureté, clivages ethniques et solidarité ouvrière solidement ancrée – filme ses personnages dans toute leur richesse, sans jamais les assigner à leur seule représentation sociale : Ali avec son charisme, son humour, sa curiosité pour les autres, sa passion communicative de la musique ; Ava avec sa combativité à toute épreuve, sa générosité, sa joie de vivre et sa vive intelligence des êtres et des situations. Les deux amoureux sont d’autant plus emballants que les deux comédiens qui les incarnent, Claire Rushbrook (remarquée chez Mike Leigh) et Adeel Akhtar (second rôle épatant dans We are four lions et Confident royal) sont absolument formidables.