Le geste cinématographique de Marin Karmitz épouse le même mouvement parallèle dans sa trilogie politique après Sept jours ailleurs et Camarades, : d’une stylisation très maîtrisée, il est passé à une forme plus souple, plus perméable à l’intrusion du réel pour aboutir à ce Coup pour coup, véritable œuvre collective fabriquée avec l’entière collaboration d’autres cinéastes et surtout des ouvrières et ouvriers protagonistes d’un film où fiction et documentaire pris sur le vif se fondent dans le même creuset.
Récit d’une grève sauvage dans une fabrique de textile, Coup pour coup est construit sur une montée progressive de la violence ouvrière, la grève se transformant en occupation d’usine de longue durée, parsemée d’échauffourées avec la police, culminant avec la prise en otage du patron. Mais cette violence ouvrière ne fait que répondre à d’autres violences, elle rend coup pour coup au patronat, à l’appareil policier, à l’indignité des conditions de travail en usine, voire aux syndicats jugés trop mous. Marin Karmitz et ce film étaient complètement en prise sur une époque où les occupations d’usine se multipliaient, où des collectifs de cinéma tels que le groupe Medvedkine de Chris Marker ou le groupe Dziga Vertov de JL Godard remettaient en cause le statut de cinéaste comme seul maître à bord d’un film.
Loin de se contenter de n’être qu’un brulôt politique, Coup pour coup est un vrai film de cinéma avec sa construction en montée de tension, ses moments de latence et de suspense, ses explosions de violence dignes d’un film d’action, sa façon de capter avec netteté les gestes du travail. Avec Sept jours ailleurs et Camarades, Coup pour coup passionnera quiconque s’intéresse à l’histoire des idées et à l’histoire des formes. Mais par leur virulence politique, leur recherche formelle et leur questionnement sur la place du cinéma dans le corps social, ce sont aussi des oeuvres qui éclairent et regardent complètement le présent.