Captain Fantastic

Vous aimez ce film, notez le !
La note moyenne actuelle est de 14,00 pour 1 vote(s)
Dans les forêts reculées du Nord-Ouest des États-Unis, vivant isolé de la société, un père dévoué a consacré sa vie toute entière à faire de ses six jeunes enfants d’extraordinaires adultes. Mais quand le destin frappe sa famille, ils doivent abandonner ce paradis qu’il avait créé pour eux. La découverte du monde extérieur va l’obliger à questionner ses méthodes d’éducation et remettre en cause tout ce qu’il leur a appris.

Vos commentaires et critiques :


CANNES 2016 - UN CERTAIN REGARD

Vie sauvage

Captain Fantastic est le deuxième long métrage du comédien Matt Ross, révélé au dernier Festival de Sundance puis couronné à Palm Springs, où il a remporté le prix du “réalisateur à surveiller”. Il y aborde une thématique proche de celle de Vie sauvage de Cédric Kahn: l’hypothèse d’une éducation alternative distillée à ses enfants par un père de famille que campe Viggo Mortensen. “Le film a été tourné en l’espace de 39 jours dans les États de Washington et du Nouveau-Mexique, raconte Matt Ross. C’est au réalisateur qu’incombe la responsabilité de veiller à ce que tout le monde œuvre dans le même sens. J’ai lu un jour que réaliser un film revient à peindre une toile en utilisant les mains de quelqu’un d’autre. Je suis toujours en train d’apprendre à réaliser ce tableau. Je veux raconter des histoires en utilisant le cinéma, car il intègre la plupart des autres formes d’art existantes: la photographie, la musique, l’art dramatique, la mode, le langage, la poésie, la lumière et le mouvement. Un réalisateur dispose de tellement de pinceaux différents… Les deux films que j’ai réalisés l’ont été en dehors des studios. Cependant, je ne suis pas opposé à l’idée de tourner des films dans un cadre plus commercial, car n’importe quel réalisateur rêve que son travail puisse être vu par le plus grand nombre de spectateurs possible. Je souhaite que Captain Fantastic suscite en eux une réflexion sur leur façon de mener leur propre vie et leurs choix existentiels, en tant que fils ou filles, pères ou mères. La vie est courte et précieuse. Et nos choix déterminent ce que nous sommes et le monde que nous fabriquons.” Concernant l’avenir, Matt Ross précise être “en train d’écrire trois films simultanément, tout en développant plusieurs projets pour la télévision”.

Mort aux vaches!

Pas de confusion, pas d’à priori, pas de méfiance : le « Captain Fantastic » du titre n’a rien d’un super-héros en collant moulant gonflé aux stéroïdes dont la mission pseudo-divine serait de sauver l’humanité et d’abord les Etats-Unis d’Amérique. C’est même quasiment tout le contraire. Le personnage principal est un homme somme toute ordinaire qui a décidé de mener une vie extra-ordinaire, au sens littéral de « hors des sentiers battus », et le film est une très belle fable philosphico-écolo-familiale, profonde sans en avoir l’air, qui porte un regard décalé autant qu’incisif sur l’occidental way of life traditionnel et dominant. Ni militant ni apocalyptique ni moralisateur, Captain Fantastic se révèle riche en idées, en propositions, en contradictions qui nous captivent de bout en bout tout en semant des interrogations toujours pertinentes sur des valeurs, des mécanismes, des habitudes tellement ancrés dans nos modes de vie qu’on finit par ne plus en avoir conscience. Quelque part entre Little miss Sunshine – pour la saga familiale emballante – et Vie sauvage, le film de Cedric Kahn avec Mathieu Kassovitz – pour les interrogations sociétales et éducatives –, Captain Fantastic est aussi divertissant que stimulant – et parfois très émouvant – et peut se voir avec des enfants et ados à partir de 10/12 ans, échanges vivifiants à prévoir !
La scène d’ouverture, étonnante , nous met dans le bain. On y voit des enfants et des adolescents couverts de boue arpentant la forêt, on ne comprend que peu à peu que toute cette famille/tribu est en train de chasser le cerf à l’ancienne, pour se nourrir, sans meute ni fusil à lunettes. Bienvenue au sein de la famille de Ben Cash qui, au cœur des magnifiques forêts montagneuses du Nord-Ouest américain, vit en quasi autarcie et autosuffisance avec ses six enfants. Au programme, point de livraison de junk food, point de tablettes ni de consoles, mais entraînements pour le moins sportifs, nécessaires à la survie en milieu éventuellement hostile, pratique de la chasse, de la cueillette et entretien du potager. Côté intellectuel, une éducation basée sur la découverte et l’étude des textes fondateurs de la démocratie américaine et des œuvres de philosophes ou écrivains plus hétérodoxes. Chez les Cash on ne boit pas de coca, on ne regarde pas la télé, on construit des cabanes et en guise de Noël, tradition de moins en moins chrétienne et de plus en plus mercantile, on préfère s’offrir des cadeaux (généralement des couteaux de chasse dès l’âge de huit ans) pour célébrer la Saint Noam Chomsky !
Ce monde à part, harmonieux, qu’on qualifierait volontiers de paradisiaque, va vaciller, voire menacer de s’effondrer quand la mère va décéder à l’hôpital, que toute la petite famille va devoir traverser les Etats Unis et s’imposer à ses funérailles au Nouveau Mexique, auxquelles elle n’est pas forcément la bienvenue.
C’est le début d’un road movie initiatique, à la découverte du monde extérieur face auquel les convictions des uns et des autres risquent bien de se trouver remises en question.
Magnifiquement mis en scène – le rythme, le cadre, la beauté de la photo – passionnant à suivre, servi par l’interprétation du toujours grandiose Viggo Mortensen, splendide en père intransigeant dans ses choix de vie mais en proie au doute, entouré de jeunes comédiens épatants, Captain Fantastic s’impose donc comme une superbe réflexion sur les conséquences pour les enfants des choix de vie de leurs parents, une ode au pas de côté en douceur, dans le respect de la personnalité de chacun et même des oppositions des détracteurs, parcourue d’un souffle libertaire humaniste, doux et tendre dans lequel on s’enveloppe avec un plaisir sans partage.