A Chiara

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Chiara, 16 ans, vit dans une petite ville de Calabre, entourée de toute sa famille. Pour les 18 ans de sa sœur, une grande fête est organisée et tout le clan se réunit. Le lendemain, Claudio, son père, part sans laisser de traces. Elle décide alors de mener l’enquête pour le retrouver. Mais plus elle s’approche de la vérité qui entoure le mystère de cette disparition, plus son propre destin se dessine.

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Quinzaine des réalisateurs 2021

Mon père, ce héros

A Chiara clôt la trilogie centrée sur la ville calabraise de Gioia Tauro, où vit son réalisateur Jonas Carpignano. "Ces trois films sont le résultat d’une compréhension toujours plus profonde et d’un engagement émotionnel avec cette ville. Comme pour mes autres films, le scénario est le fruit d’un long processus d’observation. Au cours de ces 11 dernières années, j’ai appris à comprendre et à apprécier la dynamique sociale et personnelle de ce monde que j’ai essayé de transposer à l’écran. La grande différence avec A Chiara, c’est que les événements du film sont complètements fictifs, même si les relations entre les protagonistes sont très réelles." Le film est entièrement interprété par des acteurs non professionnels, tous membres d’une même famille. "J’espère que la jeune fille au centre du film, Swamy Rotolo, deviendra très bientôt une actrice ‘professionnelle’. La première fois que j’ai croisé son chemin, c’était en 2015. Elle avait 10 ans à l’époque et sa tante avait entendu dire que nous faisions un film (sur A Cambria à la Quinzaine des réalisateurs 2017, Ndlr) et voulait nous la présenter. C’était un moment fortuit, car je venais de rendre le premier traitement pour A Chiara. Nous nous sommes rencontrés, nous avons parlé un moment. Il s’est avéré que j’étais ami avec plusieurs de ses cousins. J’ai immédiatement su qu’elle serait Chiara. Et nous voilà, six ans plus tard, avec ce film à Cannes !" Coproduit entre les Italiens et Stayblack et Haut et Court, avec la Rai Cinema et Arte France Cinéma, en association notamment avec MK2 et le soutien de l’aide aux Cinémas du Monde, A Chiara sera distribué par Haut et Court, les ventes internationales étant assurées par MK2 Films.

 

Il y a quelques semaines, un héros du quotidien venu de Calabre faisait un tour de France à l’invitation de différentes organisations de gauche, de défense des droits de l’homme et de soutien aux populations migrantes. Il faut dire que Domenico Lucano, maire de la petite ville de Riace, est un symbole. Dès la fin des années 90, il avait compris que l’arrivée des migrants était une chance pour sa région, frappée par l’exode rural. Il leur ouvrit les portes de sa ville et ainsi la fit renaître, rouvrant magasins et écoles grâce à eux. Mais l’extrême-droite et les notables locaux ne l’entendaient pas de cette oreille : après plusieurs années de mandature qui lui valurent un documentaire (Paese di Calabria, disponible en Vidéo en Poche) et des hommages de la presse internationale, ses ennemis l’ont entraîné dans un traquenard judiciaire. C’est pour l’expliquer et essayer d’y échapper qu’il a fait ce voyage à la rencontre de ses soutiens. Parmi ses ennemis, le pire est la 'Ndrangheta, cette mafia qui terrorise et gère la Calabre depuis toujours et qui vit sur l’exploitation des migrants.
Cela nous amène à ce formidable A Chiara. Cette mafia, cette 'Ndrangheta qui est au centre du film, le réalisateur Jonas Carpignano a choisi intelligemment de ne pas la montrer frontalement mais à travers le regard de celles et ceux qui en sont les victimes – ou les complices involontaires – et dont les vies sont totalement marquées par son emprise. A Chiara clôt la trilogie calabraise qui, débutée en 2015 avec Mediterranea (qui évoquait l’arrivée sur les côtes calabraises d’un jeune Burkinabe) et poursuivie en 2017 par A Ciambra (qui suivait des jeunes membres de la communauté Rom), s’immerge dans le quotidien de la petite ville portuaire de Gloia Tauro.
Quand commence A Chiara, on n’est absolument pas dans une atmosphère criminelle. On fête les 18 ans de Giulia, la sœur de Chiara, 15 ans, qui donne son titre son film. Comme souvent en Calabre pour un tel événement, l’anniversaire a réuni tout le clan, les convives ont mis leurs plus beaux costumes et robes de soirée, les hommes parlent fort et réclament un discours de Claudio, le père, ému et apparemment trop intimidé pour prendre la parole devant tant de monde. La fête est belle et bruyante mais pourtant on sent planer un indéfinissable malaise. La nuit suivante, tout le monde est réveillé par une déflagration. La voiture familiale vient d’exploser en pleine rue et, dans la foulée, le père disparaît. La vie de Chiara bascule, comme si elle passait brutalement dans l’âge adulte, obligée de prendre conscience du lien qu’entretient sa famille avec la 'Ndrangheta. Malgré les phrases rassurantes de sa mère et de sa sœur qui veulent surtout éviter qu’elle en apprenne davantage, elle est bien décidée malgré son jeune âge à connaître la vérité, à retrouver son père et à remonter l’écheveau des réseaux auxquels il appartient.
Film haletant, A Chiara est porté par la formidable interprétation de tous les acteurs non professionnels, jouant tous des personnages proches peu ou prou de leur véritable personnalité (on retrouve d’ailleurs des personnages des films précédents), et tout particulièrement de l’incroyable Swammy Rotolo qui incarne Chiara. Jonas Carpignano a su éviter les clichés éculés des histoires de mafia, pour réaliser un magnifique film de famille, une sorte de tragédie antique, où les liens indéfectibles du sang unissent définitivement frères, sœurs, parents à la 'Ndrangheta, la spécificité de ce réseau mafieux étant qu’il repose sur des liens héréditaires. C’est d’ailleurs par la séparation des enfants de leurs familles mafieuses que les autorités tentent d’endiguer le fléau : le choix de Chiara sera donc, quel qu’il soit, cornélien.