C’est l’histoire d’une rencontre accidentelle, comme un coup de foudre un soir de pluie, entre une bouche d’égout, un canal souterrain jouxtant les sous-sols d’une banque et le cerveau génialement cortiqué d’un brave type sans histoires, qui va aboutir au braquage le plus rocambolesque jamais survenu en Argentine.
En effet le 13 janvier 2006, six hommes armés de fusils factices s’introduisent dans la banque Río et prennent en otage ses vingt-trois occupants. Des centaines de policiers alertés encerclent l’établissement, négocient la libération des otages et attendent près de cinq heures avant de donner l’assaut. A l’intérieur, aucun des otages ligotés n’est blessé. Les forces de l’ordre se dirigent alors vers le coffre-fort pensant piéger les cambrioleurs. Au lieu de ça, il ne trouvent qu’un court poème épinglé aux barreaux, et une sacré surprise…
Voilà pour les faits historiques ; mais, à l’inverse d’un “Whodunit”, où l’on cherche à découvrir le coupable et ses mobiles, le « Heist Movie » (ou film de cambriolage) expose dès le départ ses aboutissants, et rembobine le fil qui nous ramène au tenants. On sait donc qui a fait le coup, mais tout l’intérêt du film tient dans le déroulement de son exécution. Et ça le réalisateur Ariel Winograd l’a bien compris, appliquant une structure narrative archi-classique en 4 actes (le plan, le recrutement, l’exécution, les conséquences) afin de garder les spectateurs qui n’auraient jamais entendu parler de ce fait-divers en terrain connu et parfaitement balisé, tout en développant parallèlement le portrait des différents protagonistes.
Et c’est là que réside le principal atout du film : l’affection avec laquelle Winograd dépeint sa bande de bras cassés, voleurs à la petite semaine, braqueurs ratés, escrocs du dimanche, un peu paumés, un peu loosers, qu’on croirait tout droit sorti du Pigeon de Monicelli, mais que leur volonté commune va pousser à accomplir un exploit dont aucun d’entre eux n’aurait été capable seul. Loin des comédies sophistiquées à la Ocean Eleven, avec leur casting « All Stars », leurs néons bling-bling, leur mécanique huilée comme une montre suisse et leurs péripéties rebondissant mollement comme un pourboire sur la moquette d’un casino de Las Vegas, Le braquage du siècle se rapproche davantage du classique Mélodie en sous-sol avec son casting de gueules plus vraies que nature, sans pathos ni effets de style, mais avec l’humour en plus ! Car oui, en dépit d’un commentaire assez sombre sur l’âpreté de la vie dans l’Argentine post-crise économique de 2002, le film est avant tout une comédie flirtant élégamment avec le tragique sans jamais y succomber.
À la fois divertissement énergique et drôle, portrait savoureux de petits prolétaires du crime décidés à faire un pied de nez au destin comme autant de Guignols tirant la langue au Gendarme, Le braquage du Siècle se déguste comme un sorbet citron un jour de canicule : avec délectation !