Sátántangó est l’adaptation du roman éponyme de l’écrivain hongrois László Krasznahorkai, acclamé par la critique lors de sa parution en 1985. Cette oeuvre est à l’origine de la fructueuse collaboration entre le cinéaste Béla Tarr et l’auteur, même si le film ne sera réalisé que bien des années plus tard – ils tourneront auparavant Damnation en 1987.
Lorsque les deux hommes se lancent dans la réécriture du roman pour le cinéma, ils font en sorte de conserver la dramaturgie et la structure originale – l’organisation en chapitres comme les extraits du livre lus en voix off. Cette entreprise pour le moins atypique nécessitera deux ans de tournage et aboutira in fine à cette œuvre colossale qu’est Sátántangó, d’une durée de sept heures trente. Béla Tarr va introduire toute la puissance du langage cinématographique au récit, mettant en avant les corps ou jouant avec les éléments comme la pluie, le vent ou la boue. Il déploie son film dans la durée, révélant ainsi toute son ampleur et sa force. Les mêmes scènes sont répétées, filmées d’un point de vue différent au cours d’une même unité de temps, en fonction des personnages.
Sátántangó peut se lire comme une puissante allégorie de l’effondrement du communisme. Les longs plans-séquences attestent du basculement d’un monde, mettant à jour le déclin matériel et spirituel de l’Europe. En révélant le quotidien de cette classe rurale qui évoque souvent l’univers pictural d’un Bruegel, des scènes festives de danse populaire aux plus triviales, Béla Tarr dresse le tableau d’une région désolée où les personnages répètent les mêmes gestes indéfiniment et vivent une existence immuable.
Œuvre totale qui ne laisse personne indifférent, Sátántangó est une expérience cinématographique hors du commun à vivre sur grand écran et à admirer dans une sublime restauration 4K !