Men

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Après avoir vécu un drame personnel, Harper décide de s’isoler dans la campagne anglaise, en espérant pouvoir s’y reconstruire. Mais une étrange présence dans les bois environnants semble la traquer. Ce qui n’est au départ qu’une crainte latente se transforme en cauchemar total, nourri par ses souvenirs et ses peurs les plus sombres.

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Cannes 2022 – Quinzaine des réalisateurs

L’homme aux 1000 visages

Auteur de 28 jours plus tard, Alex Garland est passé à la réalisation avec Ex Machina, puis Annihilation pour Netflix. Pour Men, le cinéaste est parti d’un postulat a priori plus classique: une femme, seule, dans une grande maison isolée, une balade en forêt et un intrus qui rôde dans les bois. “Je voulais faire un film dans lequel on puisse se reconnaître autant que possible, où le spectateur soit un acteur du récit. Ensuite, je laisse aux gens le soin de se faire leur propre idée du film et les thèmes qu’il aborde – ou pas – et qui les touchent”, souligne le cinéaste. Dans Men, Jessie Buckley (nommée aux Oscars pour son second rôle dans The Lost Daughter de Maggie Gyllenhaal) joue Harper, une jeune femme dont le sanctuaire est constamment violé par des intrusions d’hommes inquiétants. Pour la comédienne, le film, tout en s’appropriant les codes de l’horreur, “est une illustration très forte du débat actuel entre hommes et femmes. Il s’est passé beaucoup de choses sur la plan politique et social depuis quelques années, et je trouve que Men soulève des questions de manière audacieuse plutôt qu’il ne donne de réponses.”. Le tournage a eu lieu dans le Gloucestershire, campagne prospère du sud-ouest de l’Angleterre regorgeant de villages médiévaux. Produit par A24, le film sera distribué par Metropolitan Filmexport le 8 juin en France. Alex Garland tourne actuellement Civil War, à nouveau d’après son propre scénario, dont l’action se situe aux États-Unis dans un futur proche.

 

 

Dans son nouveau film, Alex Garland voit l’Enfer, et il s’avère qu’il s’agit d’un pittoresque village anglais où tout le monde est Rory Kinnear.
Le nouveau long-métrage d’Alex Garland, Men, s’inscrit dans un paysage de cinéma de genre mis sens dessus dessous et révolutionné par les constats qui ont procédé du mouvement #MeToo ces dernières années. Des films comme Promising Young Woman et I May Destroy You, avec des femmes réalisatrices et scénaristes aux commandes, se sont mis à exploité les tropes et conventions du cinéma d’horreur pour réfléchir autour du traumatisme, de la manipulation et de rôles de genre, avec une conscience très nette de la façon dont le genre a été utilisé à des fins misogynes dans le passé. Avec Men, Garland s’aventure (maladroitement et sans ambages, mais sincèrement) dans un format film d’horreur très orthodoxe pour exprimer quelques-unes de ses propres idées – qu'il a déjà abordées judicieusement dans Annihilation et Ex Machina. Après la sortie du film aux États-Unis, il y a quinze jours, Garland a fait sa première apparition à Cannes le mois dernier, pour la projection de Men parmi les séances spéciales de la Quinzaine des Réalisateurs.
en a quelque chose de modeste et sur la défensive. L’œuvre traite d'un sujet important et très clivant, mais en évitant de proposer des affirmations trop provocantes. La troupe se compose de quatre acteurs seulement qui n'interagissent que sporadiquement, quoiqu'ils soient tous excellents dans le film. Tandis que le monde revient, après la pandémie, à quelque chose qui ressemble au celui d'avant, ce film fait partie des derniers nouveaux titres arrivant sur les écrans qui a été tourné dans les conditions strictes imposées aux productions pendant le Covid (il s'est achevé au début de la campagne de vaccination généralisée), quoiqu'il faille reconnaître qu'il les a intégrées de manière bien plus intuitive que la plupart des travaux qu'on a pu voir cette année. Pour recourir à une analogie du monde musical, Men fait l'effet d'un EP parmi des propos plus grandiloquents ayant la taille de véritables albums, mais il n’en reste pas moins une petite expérience enrichissante.
L’accroche paraît presque banale, mais Garland fait de ce trait une qualité. Harper (la remarquable Jessie Buckley) s’isole dans une petite ville tranquille de la campagne anglaise pour se remettre du choc de la mort soudaine de son mari James (Paapa Essiedu), un homme violent souffrant de troubles mentaux, peut-être par suicide. Sur place, les locaux sont, comme on pouvait s'y attendre, joyeux mais excentriques. Il y a le propriétaire de la maison, le pasteur du village, le flic du coin... et tous sont interprétés par Rory Kinnear, dont l'interprétation plurielle rappelle Alec Guinness dans Noblesse oblige.
Et c’est à peu près tout. L’arche narrative du film est prolongée par la rencontre que fait Harper de chacun de ces 'hommes" (seul le propriétaire mielleux, Geoffrey, a ici un nom), et si elle ne remarque pas leur ressemblance physique, elle mesure vite leur immense toxicité, leur caractère désagréable et la menace qu’ils représentent. Au-delà de la pique facile selon laquelle "les hommes sont tous les mêmes", l'idée bien plus acerbe formulée ici est que le comportement masculin peut se réduire à une entité ou à un ensemble de traits. À eux tous, les personnages interprétés par Kinnear manifestent tous ces aspects et vont faire vivre un calvaire à Harper et sa confidente Riley (Gayle Rankin), une amie que l’on ne voit qu'à travers FaceTime jusqu’à la scène finale.
Garland montre de façon perspicace comment la rupture d’une relation hétérosexuelle peut engendrer chez chacune des parties un comportement suspicieux et aversif par rapport à l’autre sexe, mais il ne va pas assez loin et n'examine pas le patriarcat à fond, autrement qu'à travers une métaphore généralisante, ce qui gêne à l'impact d'ensemble du film, malgré sa facture superbe.