FESTIVAL DE CANNES - COMPÉTITION
Petite danse de mort
Juste la fin du monde est le sixième film du Québécois Xavier Dolan, couronné de trois prix à la Quinzaine des réalisateurs avec J’ai tué ma mère (2009). Lauréat de la Queer Palm en 2012 pour Laurence Anyways, Dolan a obtenu le prix du jury et son plus gros succès public avec Mommy en 2014. Il signe cette fois l’adaptation d’une pièce de Jean-Luc Lagarce, dramaturge mort du sida à l’âge de 38 ans en 1995. Ce texte publié en 1990 a été inscrit au programme du bac théâtre de 2008 à 2010, puis à l’agrégation de lettres modernes, de lettres classiques et de grammaire en 2012. Il a aussi fait l’objet d’un téléfilm réalisé par Olivier Ducastel et Jacques Martineau pour Arte sous le titre Juste la fin du monde de Jean- Luc Lagarce en 2010. Xavier Dolan a confié les rôles principaux de cette affaire de famille à des habitués de Cannes, Gaspard Ulliel ayant La redoutable tâche d’incarner son alter ego, aux côtés de ses “sœurs”, Marion Cotillard et Léa Seydoux, de son “frère”, Vincent Cassel, et de leur “mère”, Nathalie Baye. La photo est signée André Turpin, fidèle collaborateur du réalisateur depuis Tom à la ferme (2013) révélé par Incendies (2010) de Denis Villeneuve, et la musique de Gabriel Yared.
Sonate d'automne
Deux ans après Mommy, Xavier Dolan fait son grand retour avec son nouveau film Juste la fin du monde. Un film dont il faut tout d'abord saluer l'ambition. Le cinéaste adapte une pièce majeure et autobiographique écrite par Jean- Luc Lagarce en 1990, cinq ans avant qu'il soit emporté par le sida. On y suit le retour d'un jeune écrivain (Gaspard Ulliel) dans sa famille, après douze ans d'éloignement, pour leur annoncer sa mort prochaine. Un retour qui fait ressurgir à la surface un déferlement de traumas enfouis et de règlements de compte trop longtemps différés. Avec une violence des mots et des sentiments qui entraîne tout ce petit monde vers une impossibilité totale à communiquer sans hystérie. Puis, très vite, à communiquer tout court. Dans ses choix de cadre au plus près des visages - pour tuer dans l'œuf toute sensation de théâtre filmé - et de lumière sombre masquant souvent les arrières-plan, Xavier Dolan prend le parti d'enfermer le spectateur au cœur de cette famille. Tout se joue sur les visages, dans les échanges de regards, d'une intensité magnifique. À chaque acteur, Dolan réussit à arracher une vulnérabilité inédite. À Vincent Cassel, le grand frère prolo et ordurier dont on aperçoit les fêlures. À Nathalie Baye, en « pot de peinture » dont la nervosité fofolle n'empêche pas une folie plus profonde. À Marion Cotillard, bouleversante en belle-sœur effacée et mal à l'aise au possible… Des acteurs français qui arrivent à s’effacer complètement derrière leur rôle, c’est assez rare pour être souligné. Cela prouve une fois de plus que Xavier Dolan est un très grand cinéaste dont chaque film est meilleur que le précédent. Un vrai exercice de style d'une complexité inouïe. Et cette gageure est une indéniable réussite, de la part de chacun de ses impressionnants interprètes. Xavier Dolan signe avec ce sixième long métrage, un film puissant et fascinant. Juste la fin du monde est donc un film tout en contrastes. À l'image de son réalisateur.