Tout comme Discount, le premier film de Louis-Julien Petit qu'on avait déjà beaucoup aimé, Les Invisibles est un film jubilatoire, drôle autant qu'émouvant, et résolument politique, au sens le plus noble du terme. On en sort grandis et heureux, remplis de courage, pleins d’envies. Celles avant tout de ne pas baisser les bras et de regarder devant soi avec toujours plus d’empathie, de générosité, de chaleur humaine.
Fortes en gueules ou gueules brisées, elles sont-là. Même si la bonne société essaie de ne pas les voir. Habituées à se sentir transparentes, elles se gomment, se fondent dans la grisaille de la ville. Être vues, ce peut-être le début des emmerdes… L’action se passe dans un de ces centres dits sociaux, qui reçoivent le jour les laissées-pour-compte. « L'Envol » accueille toutes les femmes sans abri qui se présentent, tout en gardant ses distances. Pas question de se retrouver noyé dans la misère du pauvre monde, l’empathie n’est possible qu’en se protégeant un peu. Pourtant on sent bien que la barrière de protection est ténue, prête à rompre. Comment résister à ces sourires timides sous lesquels émergent des blessures tenaces, des envies de revanche magnifiques ? Toutes ces sans-abri ont un nom inventé pour voiler leur véritable identité : Edith (Piaf), Brigitte (Macron), Lady Dy, Simone (Veil), Marie-Josée (Nat), Mimy (Mathy)… Aucune n’est apaisée, d’aucunes font semblant d’être calmes, plus versatiles que le lait sur le gaz, toujours prêtes à mettre le feu ou à s’embraser. Elles deviennent tour à tour détestables, admirables, aimables. On ne sait plus. Même Manu, la responsable pourtant aguerrie du centre et ses collègues ne savent plus. Une chose est sûre, malgré les agacements, les déceptions, le jour où l’administration aveugle va décider de fermer le centre, l’équipe entière fera front, quitte à passer de l’autre côté de la barrière…