Fabiola a choisi de revenir vivre dans son village natal après avoir passé plusieurs années à Santiago du Chili où elle avait fait carrière comme actrice reconnue du cinéma X. Dans la maison de famille, elle retrouve son vieux père et sa sœur aînée Georgina et, dans le village, ceux qu’elle a connus autrefois. Moisés le ferrailleur, qu’elle n’a jamais laissé insensible, l’envisagerait bien vivant à ses côtés. Mais alors qu’elle se prend de tendresse pour Tarentula, le fils de Moisés, elle découvre avec les difficultés qu’elle rencontre pour vivre cet élan de chaste amitié ou au moment de trouver un travail, que son passé trouble l’a définitivement marquée…
Jairo Boisier n’a pas voulu insister dans le récit sur le passé de vedette de cinéma porno de Fabiola. Son film cherche à être plus universel. Il traite de la difficulté à changer de vie, à regagner confiance en soi et insiste sur le fait qu’un épisode de son passé peut poursuivre pour devenir un élément perturbateur qui déstabilise et remet tout équilibre personnel en question. Si Fabiola est le personnage central du film, le village qu’elle retrouve est également un personnage à part entière. Un village secoué par les fortes tensions socio-culturelles ainsi que par l’arrivée des nouvelles technologies. Les points de vue des habitants sur Fabiola révèlent une mentalité provinciale contrastée : certains la considèrent comme une célébrité, d’autres comme une prostituée, d’autres encore, comme un simple objet sexuel. Mais le film ne se limite pas à ces considérations. Il aborde également le sujet de ce qui perturbe le fonctionnement des familles chiliennes en milieu rural, partagées entre le respect des traditions et l’attirance pour les progrès technologiques, entraînant des conflits de générations et des problèmes de communication. Le retour de Fabiola pourrait se limiter à sa facette dramatique, à la difficulté pour la jeune femme à retrouver parmi les siens, dans le village où elle a grandi, une existence qui romprait avec un épisode dont elle s’est définitivement détachée. Jairo Boisier a su, dans le déroulement de son récit laisser de côté les situations conflictuelles et douloureuses pour donner, ici et là, une place à l’humour. L’utilisation des plans-séquences est en parfaite harmonie avec la teneur du scénario puisque le film parle d’un personnage qui observe ce qui se passe dans un village où tout est immobile et où rien ne semble jamais arriver. Cette façon de travailler l’image permet de conserver une certaine distance pour parler de Fabiola. De sorte que le spectateur est amené à accompagner le personnage plutôt que de regarder les environnements à travers ses yeux. Le retour de Fabiola" baigne dans des atmosphères hivernales et respecte les décors naturels de la ville où l’action se situe. Le metteur en scène, avec la complicité de son directeur de la photographie, arrive à faire fusionner l’aspect formel de son film avec le sujet qu’il aborde. Paola Lattus qui interprète Fabiola compose un personnage à contre-courant de ce qu’on attend d’une actrice de cinéma porno. Rien en elle ne permet de l’imaginer dans un contexte érotique et ce contraste, donne au film sa singularité et une vraie dimension humaine.