La saison des femmes
Bienvenue à Goa, la station balnéaire et méridionale du sous-continent indien. Ses rizières de cartes postales où barbotent les buffles, ses plages au sable blanc éclatant , et ses palmiers qui craquent au vent au bord de la mer d’Arabie.
Dans les années 70, dans cet état catholique donc étrangement plus permissif que le Kerala voisin, les hippies ont trouvé leur Eden. Un petit mélange de nature paradisiaque, de vie au coût dérisoire pour n’importe quel va-nu-pieds occidental, et de spiritualité orientale vite digérée a fait le succès du lieu. Et aujourd’hui la démocratisation des voyages et le capitalisme à l’indienne a fait de Goa la destination hype pour les jeunes Américains en springbreak exotique, les soldats israëliens en permission et pour les nouvelles classes supérieures indiennes qui y acquièrent des villas coloniales où ils boivent des mojitos aprés avoir remplacé les sitars traditionnels par des DJ's à la mode. Frieda, Laxmi , Suranjana, Joanna, Pamela, Madhureeta, et Nargis sont sept femmes modernes qui vont se retrouver là à l’invitation mystérieuse de Frieda, une photographe dont la cote est en train de monter. Il y a là une actrice qui a bien du mal avec les codes sexistes du cinéma Bollywood, une femme d’affaires sous tension, une furie obsédée par le crime impuni qu’a subi son frère, une femme mal mariée, une ingénue et même une syndicaliste.
Un panel totalement hétéroclite (avec entre autres le conflit ouvert entre la chef d’entreprise et la syndicaliste) mais finalement assez représentatif des femmes des nouvelles sociétés urbaines indiennes.
Le film commence par le portrait assez savoureux de toutes ces femmes qui vont se retrouver pour un mariage pour le moins atypique. La première partie drôle et enfiévrée très « girly » (les spectateurs atteints d’une surdose de virilité risquent de s’agacer) présente avec humour et tendresse la saga de ces sept nanas en goguette qui, malgré leurs différences, sont bien décidé à faire la fête, et à échanger sur leurs problèmes de filles dans le contexte très particulier de la société indienne, encore très marquée par la division de classe mais plus que tout par une vision totalement rétrograde du rôle de la femme, et ce en dépit du rôle social et économique, voire politique, important que certaines jouent désormais. Comme le souligne un des personnages, comment une civilisation qui vénère des déesses toutes puissantes peut autant asservir la femme.
Mais pendant ce temps les filles s’extasient sur les tablettes de chocolat du beau gosse voisin, rabrouent les lourdingues du coin, ironisent sur leurs déboires sentimentaux ou professionnels. Et en cela déjà le film de Pan Nalin, à qui on devait déjà le film à succès Samsara (qui faisait le portrait d’un jeune moine tibétain en proie à la découverte de ses désirs sexuels), se démarque de Bollywood qui ne centre jamais totalement un film sur les personnages féminins qui n’y existent généralement que par leur rapport aux hommes et à leurs intrigues amoureuses. Et d’ailleurs le réalisateur eut bien du mal à faire financer son film. Mais surtout Pan Nalin s’attaque de manière tout-à-fait touchante à un sujet endémique de la société indienne : les violences sexuelles, phénomène tragique mais que les différentes mesures répressives ne semblent pas endiguer.
Tout comme La Saison des Femmes, Déesses indiennes en colère réussit le pari de tenir le spectateur en haleine dans un film enlevé servi par des actrices souvent jubilatoires tout en grattant la société indienne où ça fait mal. Et cela s’avère salutaire.