Il y a eu l’Abbé Pierre, Sœur Emmanuelle ou encore Mère Teresa, et il y a eu Jean Vanier, que la réalisatrice Frédérique Bedos compare à Gandhi, lui reconnaissant même une sorte de « Sainteté ». À l’écran, on suit, en quelques photos, Jean naissant dans une famille appartenant à l’aristocratie canadienne, faisant son entrée, à 13 ans dans la marine britannique puis canadienne. Un avenir tout tracé pourrait-on croire, sauf qu’il en sort au bout de huit ans, pour entrer dans une période de recherche intellectuelle et spirituelle, sur le sens de sa vocation. C’est là qu’il écrit une thèse de doctorat en philosophie sur le bonheur d’après Aristote, c’est là aussi qu’il fait la rencontre, dans un hôpital psychiatrique aux conditions de vie lamentables, de Raphaël Simi et Philippe Seux, tous deux atteint d’un hanicap mental. Profondément touché par la détresse des deux hommes, il décide d’acheter une petite maison à Trosly-Breuil dans l’Oise et de se consacrer à aider les handicapées mentaux et les plus faibles, « humiliés, opprimés et mis de côté ». C’est le commencement, dans une incroyable précarité, de la première communauté de l’Arche.
Le film en rend compte de façon bouleversante ; la communauté va grandir et recevoir l’aide d’assistants bénévoles, jusqu'à entraîner la création de très nombreuses autres communautés dans le monde. De Bethléem en Palestine, au cœur du conflit proche-oriental, à Calcuta en Inde, la parole est donnée aux assistants dont le dévouement impressionne.
Frédérique Bedos tend le micro aux personnes handicapées pour de savoureux moments pleins de tendresse. Elle passe aussi de longs moments en compagnie de Jean Vanier, chez lui, nous faisant goûter sa parole aussi vive que captivante, nous invitant à reconnaître les dons et les enseignements précieux qu’apportent à la société les personnes ayant une déficience intellectuelle lorsqu’elles sont accueillies et aimées. Son expérience témoigne du pouvoir de l’amour, de la vulnérabilité et réoriente notre attention sur l’« être avec » et « pour » les autres. Une expérience qui n’est pas sans rappeler une phrase de Jean-Claude Carrière dans son livre Fragilité : « Nous devons préserver notre fragilité comme nous devons sauver l’inutile. L’inutile, parce qu’il nous sauve du simple calcul productif, maître du monde. Il nous permet de nous en évader, il est notre issue de secours. La fragilité, parce qu’elle nous rapproche les uns des autres, alors que la force nous éloigne. »
Jean Vanier décède le 7 mai 2019 quelques jours après la sortie du film