3 | 4.5 | 3.5 |
Ce film anglais d’un réalisateur inconnu (et pour cause : c’est un premier long métrage), on avait envie de le voir rien que pour son acteur principal : l’écossais Peter Mullan, dont on suit la carrière avec une véritable affection, n’ayons pas peur des mots, et qui ne nous a jamais déçus. Il a bien sûr été l’un des comédiens fétiches de Ken Loach : il a débuté dans Riff Raffen 1991, avant d’obtenir un magnifique premier rôle dans My name is Joe, qui lui valut consécration et Prix mérité d’interprétation au Festival de Cannes. Depuis l’acteur est aussi devenu un réalisateur de premier plan, avec Orphans puis surtout The Magdalene Sisters (2001), mémorable plongée au cœur d’un établissement scolaire religieux dans l’Irlande des années 1960, et l’impressionnant Neds (2010), vision impitoyable du système d’éducation à deux vitesses en Grande Bretagne, qui rappelait son enfance dans le Glasgow des années 1970.
Ce qu’on aime chez Peter Mullan, c’est sa présence immédiate, sa densité, son authenticité sans esbroufe, sans pathos. Autant de qualités qui sont à l’œuvre ici. Peter Mullan est Hector McAdam, un étrange SDF des environs de Glasgow. On est à l’approche de Noël, le froid se fait mordant, la neige commence à recouvrir le paysage… C’est le moment que choisissent Hector et deux compagnons de route pour entreprendre un long et éprouvant voyage vers Liverpool, Birmingham et enfin Londres, destination finale où les attendent comme chaque année d’autres SDF qui fêtent Noël tous ensemble dans la capitale illuminée.
Le périple est évidemment l’occasion de rencontres éventuellement heureuses – dans cette Angleterre victime d’inégalités de plus en plus monstrueuses, la solidarité est parfois au rendez vous – mais aussi d’épisodes difficiles voire dramatiques. Mais le temps du trajet est aussi pour le spectateur le moyen de découvrir peu à peu Hector et ses secrets. Qui est-il ou plutôt qui était-il ? Comment en est-il arrivé là ? Alors qu’il arrive dans la dernière ligne droite de sa vie, alors que la fatigue et la maladie le gagnent, ce voyage sera t-il l’occasion pour lui de revenir sur un passé enfoui, peut-être sur une famille oubliée ? Comment franchir le pas, comment renouer des liens, quand on croit qu’on a toujours tout gâché ?
Jake Gavin a longtemps été photographe de guerre, et on ressent tout au long du film son sens aiguisé du cadre qui saisit aussi bien les paysages du Nord de l’Angleterre que les quartiers de Londres. Avec ce premier film, il nous livre un instantané de l’Angleterre en temps de crise, une autre forme de guerre, économique et sociale celle là, qui voit des familles entières poussées à la rue par le libéralisme sauvage et la spéculation immobilière. On comprend aisément que Peter Mullan, dont les choix d’acteur et de réalisateur ont toujours marqué un engagement du côté des sans grade, des opprimés, ait pu être passionné par un tel rôle.
Et même si la route vers la lumière est longue et semée d’embûches, Hector s’avère un beau conte de Noël qui passera votre petit cœur à l’essoreuse, tout en vous redonnant paradoxalement la patate, puisqu’en en ces temps sombres, ce film chaleureux choisit de défendre une vision positive de notre humaine condition : quand on touche le fond, on ne peut que remonter !