Ce sentiment de l'été -12

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Au milieu de l'été, Sasha, 30 ans, décède soudainement. Alors qu'ils se connaissent peu, son compagnon Lawrence et sa sœur Zoé se rapprochent. Ils partagent comme ils peuvent la peine et le poids de l'absence, entre Berlin, Paris et New York. Trois étés, trois villes, le temps de leur retour à la lumière, portés par le souvenir de celle qu'ils ont aimée.

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Les chemins de la mémoire

C'est par une image lumineuse et troublante que débute ce film infiniment intelligent et délicat. Celle d'un couple nu encore endormi dans la lumière d'un matin d'été qui écrase un vaste appartement blanc et immaculé. La jeune femme se lève, s'habille rapidement, nous découvrons que nous sommes à Berlin, avec ses immenses parcs où se prélassent une jeunesse insouciante. Sasha, notre jeune trentenaire qui semble avoir toute la vie devant elle, se rend à l'atelier où elle fait de splendides sérigraphies sur tissu. À l'issue de sa journée, elle retraverse le même parc et tombe sans explication. Les mystères de la vie font que l'on peut mourir à trente ans sans que rien ne l'annonce. Et voilà qu'elle laisse son compagnon américain, Lawrence, dévasté par sa disparition, rapidement rejoint à Berlin par les amies parisiennes, par les parents, par la sœur de Sasha, Zoé, dont la ressemblance avec sa compagne disparue trouble Lawrence dans son deuil. Il y aura les mots difficilement trouvés par les uns et les autres dans ces circonstances aussi cruelles qu'inexplicables. Puis le retour tant que bien que mal de chacun à sa vie, dans sa ville respective… Ce sentiment de l'été est probablement l'un des plus beaux et des plus justes films qu'on ait pu voir sur le deuil. Il choisit de suivre sur trois années les protagonistes, aux différentes étapes de leur vie après la mort de Sasha. Dans trois villes différentes, Berlin, Paris, New York (avec en bonus une petite escapade de vacances au bord du lac d'Annecy). Toujours l'été parce qu'il rappelle la date anniversaire de la disparition de la jeune fille, mais aussi peut-être parce que c'est paradoxalement la période la plus cruelle pour les personnes endeuillées. Celle où le climat, les corps échauffés appellent la liberté et tous les possibles, contrastant terriblement avec le désastre des cœurs solitaires. Celle où les lumières intenses et froides sont encore plus impitoyables avec les gens tristes… On va donc observer le taiseux et timide Lawrence, dont le regard intense trahit la pensée bien plus que ses rares paroles, et la volcanique Zoé, chacun avec leur peine et leurs tentatives pour poursuivre le cours de leur existence. D'ailleurs ces deux êtres, liés par le souvenir d'un être aimé, se réuniront ils pour de bonnes ou de mauvaises raisons ? Ou au contraire choisiront-ils de s'éloigner pour tourner définitivement la page et poursuivre leur vie envers et contre tout ? Mikhaël Hers, avec une sensibilité et une retenue rares, tire magnifiquement parti de la personnalité singulière de ses deux acteurs : le comédien norvégien Anders Danielsen Lie, qui nous avait bouleversé dans Oslo 31 Août (disponible en Vidéo en Poche), prête à Lawrence cette force intérieure toujours prête à exploser, cette beauté marmoréenne qui n'attend que de se fissurer ; quand à Judith Chemla, elle est pétulante, toute en réactivité et en fragilité. Tous les deux sont splendides. Et les sentiments qui traversent les personnages sont parfaitement en phase avec les lieux que le réalisateur a choisis et qu'il met remarquablement en valeur : la douce et libertaire Berlin, où rien ne semble pouvoir arrêter des amants à qui tout réussit ; Paris, la futile et l'étrange (caractère souligné par ce personnage atypique de patron d'hôtel travesti incarné par le génial Jean Pierre Kalfon) et enfin la sensuelle New York, jamais endormie…