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Nos plus belles années
Une histoire d'amour, de solitude, d'ambition et de sang à mi-chemin entre le conte et la tragédie : voilà ce que propose Claudio Cupellini avec son nouveau film, Alaska, un titre de très belle facture qui est le troisième et dernier italien au programme de la compétition de la 10ème Fête du cinéma de Rome. Le parcours des deux amoureux du film (Elio Germano et l'actrice franco-espagnole Astrid Bergès-Frisbey) a quelque chose d'épique, tant sont nombreux les obstacles (arrestations, accidents, trahisons, rixes) à leur bonheur. Eux deux sont des personnages désespérés et fragiles, mais aussi déterminés, mus par une passion viscérale. Guidés par leur instinct, ils font beaucoup d'erreurs, mais c'est ce qui les rend humains. Tout commence sur la terrasse d'un hôtel cinq étoiles à Paris. Nadine fume une cigarette, en maillot de bain, après une audition en tant que mannequin. Fausto, qui est serveur dans cet hôtel, propose de lui montrer la suite la plus chère, bien qu'elle soit occupée. C'est le début des ennuis : Fausto va se battre avec l'hôte de la chambre, revenu inopinément, et se retrouver en prison. Ce heurt n'est que le premier épisode de nombreuses mésaventures pour les deux jeunes gens, deux âmes perdues, déracinées, mais parcourues par une veine de folie, assoiffées de vie et d'émotions. C'est qu'ils ont aussi soif d'argent, du moins est-ce l'ambition sans bornes de Fausto qui leur cause des problèmes, quand ils se retrouvent enfin, à Milan. C'est à cause de cela qu'il rompt leur pacte de confiance, car comment faire confiance à un homme qui, pour un investissement douteux, puise dans vos économies sans en demander la permission. Suivent des hauts et des bas, pour elle comme pour lui, mais l'équilibre est toujours maintenant ("Tout va bien pour moi parce que tout va mal pour toi", dit Nadine) : elle devient très connue comme top model pendant qu'il est en prison ; il ouvre une discothèque à la mode pendant qu'elle est à l'hôpital... Les rôles ne cessent de s'inverser, jusqu'à la fin. Une chose reste vraie tout du long : c'est que leurs sentiments gênent leur ascension sociale à tous les deux. Ils essaient bien de rompre, mais ils se retrouvent toujours, parce qu'ils sont le reflet l'un de l'autre. "Notre objectif était de faire un film émouvant et romantique", précise Cupellini, qui a co-écrit le scénario avec Filippo Gravino et Guido Iuculano. “Tous les personnages ont quelque chose de shakespearien parce qu'ils sont divisés, pleins de vie, prêts à tout", fait observer Germano. Est-ce l'argent ou l'amour qui est la clef du bonheur, semble demander ce film passionnel, tripal, dont l'action se déploie sur cinq ans et repose également sur des ellipses et des personnages fonctionnels (la troupe comprend également Valerio Binasco dans le rôle de Sandro l'associé de Fausto et Elena Radonicich dans le rôle de sa riche fiancée). Le film est aussi un récit d'éducation qui, malgré sa structure circulaire, voit les personnages évoluer beaucoup entre le début et la fin.