La principale mutation du dernier X-Men, c’est l’éjection de Bryan Singer aux commandes de cette série quasiment inusable. Simon Kinberg, nouveau venu avec une longue feuille de route comme producteur, a pris les commandes, et respecté le cahier des charges : de nouveaux visages, mais pas trop ; des péripéties à la pelle, mais aussi quelques dilemmes moraux. Tout cela baigne dans une ambiance de fin du monde, avec la présence d’une héroïne survitaminée à l’énergie solaire (Sophie Turner, guère irradiante) affrontant une extraterrestre s’appropriant les traits magnifiques de Jessica Chastain, ici glaciale comme une gestionnaire de multinationale. Pour le reste, Montréal sert une fois de plus de décor commode (New York et Paris), et les figures familières ont répondu à l’appel, même Jennifer Lawrence en Mystique. Après le couac Godzilla, l’été des blockbusters a bel et bien démarré.
Nous retournons cette fois en 1975, puis en 1992, un passé si lointain ; stratégie narrative pour ramener à l’avant-plan les versions rajeunies des personnages qui ont dominé les premiers épisodes, laissant ainsi un peu de repos à des acteurs comme Patrick Stewart, Ian McKellen et Hugh Jackman, qui ne doivent pas beaucoup s’ennuyer… À nouveau, une enfant pourvue d’un don particulier, Jean Grey, attire l’attention de Charles (James McAvoy), ce grand manitou, car la petite a provoqué bien malgré elle la mort de ses parents. Devenue jeune adulte (Sophie Turner, jamais irradiante…), lors d’une mission périlleuse dans l’espace, la voilà soumise à un survoltage solaire qui aurait réduit en poussière Héphaïstos, le dieu des forgerons et des volcans.
De retour sur terre, entourée de figures familières et amicales comme Cyclops (Tyle Sheridan) et Mystique (Jennifer Lawrence), Jean ne se reconnaît plus, habitée d’une énergie foudroyante qui bousculera sa confrérie, l’obligera à renouer avec son douloureux passé, suscitant aussi l’intérêt d’extra-terrestres dont l’un a pris la forme de Jessica Chastain, version femme d’affaires carnassière. Encore une fois, nous sommes devant une fin du monde appréhendée, nécessitant la présence de Magneto (Michael Fassbender) et de ses fidèles, avec à la clé une autre débauche d’effets spéciaux mettant New York sens dessus dessous (Montréal plus ou moins bien camouflée). Dark Phoenix semble posséder plus de qualités artistiques que l’on ne saurait en espérer d’un blockbuster estival. À la fois variation sur un même thème (celui de l’acharnement thérapeutique ?) et illusion de nouveauté (l’arrivée tonitruante de personnages jusque-là inédits, du moins au cinéma), cette escapade grandiloquente et tapageuse au royaume des mutants s’inscrit dans une lignée résolument paresseuse : on y retrouve ce que l’on cherche, et en abondance. Suffit aussi de savoir se satisfaire de la même soupe, rarement bien assaisonnée (à quand un autre X-Men du calibre, et de la sobriété, de Logan, de James Mangold ?), mais suffisamment divertissante pour pimenter la belle saison. Mine de rien, cela semble aussi hasardeux que de contrôler la mauvaise humeur des mutants.