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Cinéma vérité Bébé tigre . Le titre désigne métaphoriquement le jeune héros du film, Many, originaire de l'Inde et membre de la communauté Sikh…
Many a 17 ans, il est arrivé clandestinement en France il y a deux ans et son passeur, Kamal, l'a abandonné, le laissant livré à lui-même, Mineur Isolé Étranger selon la dénomination officielle, pris en charge par l'Aide Sociale à l'Enfance… Depuis Many s'est remarquablement intégré, il a de bons résultats scolaires, il sort avec ses potes et il a une petite amie, Elisabeth… Bref un adolescent ordinaire, ou presque. Il loge chez sa tutrice Patricia et son père, avec lesquels il s'entend plutôt bien, malgré les différences de culture et d'âge…
Mais si ses parents se sont endettés pour envoyer Many en France, ce n'est pas seulement pour lui assurer une vie meilleure, c'est aussi et peut-être surtout pour qu'il puisse subvenir aux besoins de la famille, pour qu'il leur fasse parvenir régulièrement de l'argent au Penjab. Many doit donc gagner cet argent : il travaille au noir entre les cours et le week-end, tout ça pour le compte du fameux Kamal, qui ne se contente pas d'être un passeur mais utilise les jeunes immigrés pour les faire trimer sur les chantiers qu'il gère, profitant de leur situation précaire, les exploitant sans vergogne.
La pression se fait lourde pour Many, entre ses parents qui lui réclament de l'argent chaque fois qu'il leur téléphone, son éducateur et ses professeurs qui s'inquiètent de ses absences répétées en classe, et son « patron » qui se fait de plus en plus exigeant. Sans compter la pression qu'il s'impose lui-même, persuadé qu'il est de ne pas faire assez, épouvanté par l'idée de devoir rentrer en Inde, ce qui serait synonyme d'échec insupportable, de honte pour lui et sa famille… Dans sa situation, beaucoup d'ados flancheraient, rendraient les armes. Mais pas Many, il est un « bébé tigre » !
Le jeune Cyprien Vial a nourri son premier film par un gros travail préalable de documentation et d'enquête. Il raconte cette histoire – portée par de formidables acteurs pour la plupart non professionnels – avec un souci permanent de l'authenticité et une énergie qui éloigne tout pathos, toute sensiblerie, tout apitoiement. Il nous donne ainsi un très beau récit d'apprentissage sur fond de polar social particulièrement prenant. Une réussite.