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Sous acide
C’est une comédie hilarante, délirante et décalée comme on les aime, dont l’action se situe dans le Swinging London de la fin des années 1960, où se côtoient vieux gangsters à l’ancienne tirés à quatre épingles, hippies défoncés et insupportables, malfaisants vraiment pas gentils… et héros calamiteusement amateurs… Le plus étonnant, c’est que ce film « so british » est réalisé par un Français pur souche, petit prodige du clip, révélé par ses réalisations pour Alex Gopher, Air et autres groupes de la « French Touch ». Mais il fut aussi un des membres du collectif qui réalisa le génial court-métrage Logorama, oscarisé en 2010…
Le point de départ du film est assez délirant, en tout cas telle que le raconte Antoine Bardou-Jacquet : il cherchait des images sur internet pour raconter à son fils de six ans les missions Apollo, la conquête spatiale jusqu’au premier alunissage de 1969, son célèbre petit pas pour l’homme et grand pas pour l’humanité. Sauf qu’il découvrit principalement des sites complotistes qui défendaient la thèse selon laquelle la mission Apollo 11 n’avait jamais réussi à alunir, et que les images célèbres auraient été truquées par les autorités américaines, soucieuses avant tout de gagner la guerre des images en pleine période de rivalité spatiale avec les Russes ! De là est née une super idée de scénario.
Nous sommes donc en 1969. À la CIA, on flippe, on ne sait pas si la mission Apollo va réussir et on décide de prendre les devants. Un des meilleurs agents, Tom Kidman (les fans de Eyes wide shut apprécieront le patronyme, Nicole et Cruise réunis), reçoit mission de se rendre à Londres et de convaincre, via son agent, le grand Stanley Kubrick (2001, c’était en 1968) de réaliser, au cas où, de fausses images de l’alunissage de la capsule spatiale américaine. À ceci près que Tom Kidman revient du Vietnam et cache des névroses traumatiques qui feraient passer Rambo pour un maître yogi rempli de sérénité. Précisons que Tom Kidman est incarné par le marmoréen Ron Perlman, une des trognes les plus incroyables du cinéma mondial (La Guerre du feu, Le Nom de la rose, Alien IV, Hellboy…), dont le faciès nous ferait croire que l’homme de Cro Magnon n’a pas totalement disparu de la chaîne de l’évolution et qu’il faut donc ne pas trop l’énerver.
La situation se complique d’emblée quand Kidman se gourre d’interlocuteur et, au lieu de s’entretenir avec l’agent de Kubrick, s’adresse à son cousin Jonny (le rouquin Rupert Grint évadé de la saga Harry Potter), manager raté d’un groupe psychédélique, escroc occasionnel très endetté et poursuivi par la mafia. Lequel Jonny croit trouver ici l’occase de se refaire et entreprend de faire passer Léon, son coloc perpétuellement sous substances, pour Kubrick, en prenant prétexte d’une vague ressemblance qui se résume à une barbe noire hirsute ! Évidemment les gros mensonges font les grosses catastrophes et à partir de là vont s’enchaîner les situations les plus burlesques… Et plus c’est gros, mieux ça passe !
Tout cela n’est évidemment pas toujours crédible, les gags ne sont pas tous d’une exquise finesse, mais le réalisateur joue à merveille des clichés et du comique de situation, des références éhontées et assumés au grand Kubrick, notamment à Docteur Folamour. Le récit va tambour battant et on se réjouit au spectacle du caïd psychopathe obsédé par les châteaux en allumettes, de Ron Pearlman et sa carrure impressionnante moulée dans une ridicule chemise hippie à fleurs, du portrait d’un réalisateur expérimental obèse vivant au milieu d’une cour de jeunes filles droguées et dénudées dans une immense maison/atelier qui évoque la Factory de Warhol… Et le duo mal assemblé formé par le colosse Ron Pearlman et le gringalet Rupert Grint est digne de Laurel et Hardy. Bref, c’est très marrant !