Tourné entre deux œuvres denses et sombres que sont La Source (1960) et À travers le miroir (1961), L’Œil du diable fait office de parenthèse « légère » dans la filmographie d’Ingmar Bergman, dans la lignée de Sourires d’une nuit d’été (1955). À l’instar de cette comédie de mœurs, le cinéaste suédois s’inspire du théâtre de Molière – auteur de la célèbre pièce Dom Juan en 1665 – et de Marivaux avec son éloge du badinage et autre batifolage, rappelant parfois l’humour des célèbres comédies de Lubitsch à la Sérénade à trois (1933). L’Œil du diable est une réjouissante satire sur la morale petite-bourgeoise qui régit alors la société judéo-chrétienne du milieu du XXe siècle. Le personnage du pasteur en est le parfait exemple, lui qui par bigoterie se tient « intimement » éloigné de sa femme, laquelle finira par tomber dans les bras de Pablo. Car Bergman livre en parallèle un film sur les affres de la passion, sur l’amour et la séduction. Se dévoile alors une facette plus sombre, où les deux héros se retrouvent pris au piège de leur soudain amour – culminant lors de cette scène où Don Juan s’entend conter la nuit de noces de Britt-Marie avec son fiancé Jonas. En définitive, L’Œil du diable s’avère être l’un des films les plus légers et divertissants de Bergman, rempli de dialogues savoureux que sa merveilleuse troupe d’acteurs livre avec un plaisir non feint.