On pense inévitablement à Brian De Palma, ou encore aux adaptations des romans de James Ellroy, où s'entremêlent les intérêts mafieux et ceux des politiques et où pour les beaux yeux d'une femme ou simplement contre l'injustice, un héros, souvent anti-héros, se dresse contre ces forces présupposées toute puissantes et inatteignables.
New-York dans les années 1950. Lionel Essrog, détective privé, pas tout à fait conforme à l'idée que l'on s'en fait, puisque ce dernier souffre du syndrome de Gilles de la Tourette, enquête sur le meurtre de son mentor et unique ami Frank Minna. Ce dernier était le patron de l'agence de détectives privés dont fait partie Lionel et trois autres larrons qui se connaissent depuis l'orphelinat duquel les a sortis Franck. Une famille donc pour Lionel, handicapé par son syndrome qui lui fait débiter des insanités ou des suites de mots sans queue ni tête et l'affuble aussi de tocs irrépressibles. Mais il a pour lui de ne jamais rien oublier, de mémoriser tout ce qu'il voit ou entend.
Grâce aux rares indices en sa possession et à son esprit obsessionnel, il découvre des secrets dont la révélation pourrait avoir des conséquences sur la ville de New-York… Des clubs de jazz de Harlem aux taudis de Brooklyn, jusqu'aux quartiers chics de Manhattan, Lionel devra affronter l'homme le plus redoutable de la ville pour sauver l'honneur de son ami disparu. Et peut-être aussi la femme qui lui assurera son salut…
Tiré du roman éponyme de Jonathan Lethem, publié en 1999, le scénario d’Edward Norton fait passer la trame des années 1990 aux années 1950. La distance du temps n’empêche pas de penser au présent, le ton de certains propos n’étant pas loin de ceux tenus par Donald Trump. Sous couvert de film noir aux teintes vintage, le film est presque un manifeste politique : développement urbain mené au détriment des populations noires démunies, corruption, intimidation, meurtres…
Les années 1950, ce sont aussi, heureusement, des grandes années du jazz. Edward Norton prend le temps de tourner dans un club, donnant espace et temps à un quintette et aux solos de trompette. La musique est plus qu’une trame sonore, elle participe au suspense, et rend hommage aux polars de l’époque. Mais la grande star du film reste New-York elle-même. De Brooklyn à Harlem, des vues des ponts aux déambulations dans les rues, le film est une ode à cette ville. Dans la grande tradition des films noirs, ambiance jazzy, chapeaux mous et grands manteaux et privé au grand cœur, auquel manifestement Norton déclare ici son admiration et son amour, Brooklyn Affairs est une réussite du genre.