3.5 | 3 | 4 |
Pour fêter l'arrivée du printemps, voilà une comédie québécoise estivale, légère, insouciante et donc tout à fait bienvenue, qui confirme, après le succès mondial du Mommy de Xavier Dolan, l'excellente santé du jeune cinéma au pays de Céline Dion.
L'été au Québec, quand on sait à quel point il est court et quelles sont les rigueurs climatiques qui lui succèdent, tout Canadien se doit d'en profiter à plein. Celui de Nicole, 22 ans, se présente bien. Cette année, la chaleur s'annonce caniculaire, ses parents partis en voyage lui ont laissé la grande maison familiale avec piscine, elle peut découcher sans qu'on la juge pour des aventures sans lendemain et rentrer au matin profiter du jardin. En plus, grâce à un petit job d'été dans une sorte d'Emmaüs local, elle vient de dégoter sa première carte bleue, porte d'entrée dans l'univers merveilleux de la consommation, et elle envisage même de partir une semaine en Islande avec sa meilleure amie Véronique… Mais bon, tout ne va finalement pas tourner aussi simplement que prévu : le frère ainé de Nicole, rocker et adolescent un peu attardé, squatte en permanence le salon pour des répétitions qui font un boucan pas possible ; Véronique se montre finalement un peu envahissante et sans gêne et surtout plus préoccupée par les mâles présents que par son amie ; et Nicole est frappée d'insomnies à répétition, d'où le titre du film…
Tu dors Nicole aurait pu être juste une comédie un peu anecdotique, post-adolescente et néo Nouvelle Vague mais le jeune cinéaste Stéphane Lafleur a su créer un décalage et une étrangeté qui donnent à son film une véritable originalité. Nicole, de plus en plus fatiguée par ses insomnies, semble en permanence dans un demi-sommeil, traînant nonchalamment sa silhouette sylphide un peu à côté de sa vie et des emmerdes qui s'accumulent. Elle semble flotter dans un brouillard cotonneux, brisé par les riffs de guitare du groupe de son frère (d'ailleurs pas du tout désagréables pour ceux qui aiment comme votre serviteur le groupe Fugazi).
Et son personnage prend des allures burlesques, voire cartoonesques, la jeune comédienne Julianne Côté ayant vraiment un potentiel comique tout à fait convaincant. D'autres personnages renforcent la très attachante bizarrerie du film : les handicapés mentaux collègues de Nicole au tri des vêtements, a priori super sympas mais finalement pas du tout, et surtout un préadolescent blondin angélique de douze ans qui a la particularité d'être amoureux de Nicole et d'avoir mué prématurément, ce qui lui donne une voix virile en total décalage avec ses quarante kilos tout mouillé.
La mise en scène singulière renforce le décalage : composée de longs travellings ou de panoramiques à l'ancienne, elle impose un côté un peu hiératique à cette banlieue montréalaise aseptisée qui semble parfois avoir été abandonnée par une grande partie de ses habitants. Et le noir et blanc très bien éclairé achève de donner une personnalité unique à cette comédie tout à fait réjouissante.