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Dans cette fort aimable comédie sentimentale de Jean-Pierre Améris, on retrouve certains des ingrédients qui avaient fait le succès d’un ses précédents films, Les émotifs anonymes, dont le personnage principal était déjà incarné par Benoît Poelvoorde. On retrouve un personnage gentiment inadapté aux exigences de la vie, qui va rencontrer son alter ego féminin. Mais autant Isabelle Carré était son sosie psychologique dans le film sus-nommé, autant Virginie Efira est ici son parfait opposé. Poelvoorde est donc Paul-André, un quadragénaire qui peut légitimement afficher une splendide réussite économique. Mais s’il a fait fortune, cela ne l’empêche nullement de s’emmerder à mourir (il n’est d’ailleurs pas très loin de la tentation suicidaire) dans sa splendide et glaciale villa d’architecte (une Mallet-Stevens, pour les amateurs), en compagnie de son majordome bienveillant, délicieusement campé par François Morel. Alors qu’il touche le fond et qu’il regarde distraitement la télévision, notre richissime dépressif découvre une mère de famille interviewée à la sortie d’un palais de justice. Elle livre un témoignage vibrant pour expliquer son délit : elle a assommé un vigile de supermarché avec le poulet surgelé qu’elle tentait de voler pour nourrir ses enfants. Illumination, Paul-André comprend que ce qui lui manque, c’est une famille ! Difficulté, il n’a jamais expérimenté un semblant de vie en couple, alors la vie familiale, il n’a même pas le début de l’idée de ce que ça peut donner… Qu’à cela ne tienne, il va proposer à la jeune femme endettée, en échange de l’épurement de ses factures, d’intégrer sa petite famille en se faisant passer pour son nouveau fiancé. Évidemment tout oppose le millionnaire maniaque et vieux garçon et la mère de famille laxiste, volage, bordélique, qui partage sa vie entre ses deux mômes qui font un peu ce qu’ils veulent dans la maison en chaos permanent et ses soirées avec des mecs de passage. On pourra certes trouver le scénario un peu capillotracté (pour ne pas dire tiré par les cheveux) mais on se laisse volontiers emporter par cette comédie bien plus subtile qu’il n’y paraît, qui pose un regard tendre et malin sur les modèles familiaux souvent atypiques. À 20 000 lieues des clichés lourdos des poids lourds de la comédie française, Jean-Pierre Améris évoque avec justesse et tendresse, un peu à la manière d’un Frank Capra, la richesse de personnages (un peu) fracassés par la vie : Paul-André bien sûr, enfermé dans le vide de son existence et ses préjugés sociaux, mais surtout la paradoxale Violette, aux yeux de beaucoup fille facile et un peu cruche, que même ses proches raillent régulièrement sous prétexte de plaisanteries, mais qui se bat comme un petit soldat courage pour défendre la survie de sa tribu, cachant un étonnant talent, peut-être dérisoire mais poétique, de sculptrice sur légumes ! C’est d’ailleurs un grand personnage de cinéma qui a inspiré Jean-Pierre Améris pour construire sa Violette : la Cabiria de Fellini, inoubliable Giuletta Masina, prostituée humiliée mais magnifique. Et c’est l’occasion pour une remarquable actrice de se révéler définitivement : Virginie Efira tour à tour un peu cagole mais aussi bluffante d’énergie et de cœur, complexe, contradictoire, et au final formidablement attachante. Avec son extraordinaire comparse et compatriote belge Benoît Poelvoorde, troublant d’authenticité dans son rôle de duduche dépressif revenant à la vie, ils savent donner sens et crédibilité à ce conte a priori improbable, nous faisant passer aisément du rire à l’émotion pure.