Un film qui tombe à pic parce qu'il propose une vision à la fois juste, empathique et satirique – donc aussi drôle que préoccupante – de l'emprise d'Internet sur nos vies furieusement modernes. Les réseaux sociaux, les sites de rencontre et les sites porno, la surveillance à distance, les jeux en ligne, les forums communautaires, le partage de vidéos et de photos, les mails, les tweets, les textos… bref tout ce qui révolutionne ce nouveau millénaire et qui nous met, nous les utilisateurs, cul par dessus tête… Bon gré mal gré, Internet touche tout le monde, même indirectement. L'atout principal de ce film très ancré dans le mode de vie américain – dont on dit qu'il précède le nôtre de quelques années – est de présenter les différentes facettes de ce phénomène sans chercher à choquer, à provoquer, à juger, mais en essayant de montrer son impact sur les comportements des humains connectés, sur leurs relations – professionnelles, amicales, amoureuses –… et tout particulièrement sur les rapports entres les adultes et les ados. Men, women and children porte donc bien son titre et nous semble un support idéal pour entamer une discussion entre les parents éventuellement interrogatifs et leurs rejetons nés dans la toile. Avis aussi aux enseignants qui auraient envie d'aborder la question… Jason Reitman joue parfaitement la carte du film choral, composant une très crédible galerie de personnages, utilisateurs plus ou moins raisonnables de l'outil Internet… Il réussit en outre à rendre vivant et dynamique tout ce trafic virtuel, utilisant astucieusement des incrustation sur l'image pour intégrer de manière fluide et compréhensible les écrans numériques des ordis, des portables, des tablettes, des smartphones… et leurs messages en langage SMS… et ça fonctionne à merveille : images saisissantes d'un hall de centre commercial, littéralement envahies de textos échangés dans tous les sens… Austin, Texas. La vie sexuelle de son couple étant depuis un bout de temps engagée sur une voie de garage, Don est un visiteur régulier de sites pornographiques relativement sages. L'ordinateur familial en panne, il se résout un peu honteusement à utiliser celui de son fils Chris et découvre que son dadais de quinze ans est accro, lui, à des domaines beaucoup plus trash. On verra par la suite qu'il est tellement dépendant de la sexualité virtuelle qu'il a toutes les peines du monde à concrétiser une relation réelle avec Hannah, une des bimbos du lycée. Laquelle Hannah, bien décidée à devenir actrice, expose complaisamment ses charmes sur Internet, avec la complicité active de sa mère, Donna : pour cette maman affectueuse et soucieuse de l'avenir de sa fille, rien de mal à faire connaître les charmes de sa fille au plus grand nombre. Pour en revenir à la mère de Chris, elle se lance dans les rendez-vous coquins via Internet… Deux attitudes maternelles qui contrastent radicalement avec celle de Patricia, persuadée qu'Internet est le nouveau nom du Diable et qui épie et épluche et censure les courriels et textos de sa fille Brandy, pour le coup beaucoup plus raisonnable dans ses pratiques : la preuve, elle lit encore des livres et elle aime ça ! Si bien que Brandy essaie de lui cacher sa liaison avec Tim, un camarade de classe affecté par le divorce de ses parents, qui a trouvé refuge dans les jeux en ligne et qui peut suivre bien malgré lui, merci Facebook, le voyage romantique de sa mère avec son futur nouvel époux… Quant à son père, Kent, totalement largué par ces technologies de pointe, il essaie tant bien que mal de garder le contact avec ce fils qu'il croyait destiné à une carrière de footballeur… Quel merdier, quelle angoisse, quelle farce, quelle humaine, trop humaine comédie !