Métamorphoses

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Devant son lycée, une fille se fait aborder par un garçon très beau mais étrange. Elle se laisse séduire par ses histoires. Des histoires sensuelles et merveilleuses où les dieux tombent amoureux de jeunes mortels. Le garçon propose à la fille de le suivre.

Vos commentaires et critiques :

Christophe Honoré fait parti de ces trop rares cinéastes français qui peuvent agacer mais qui surprennent à chacune de leurs créations. Capable d'alterner des films musicaux avec casting à succès (Les Chansons d'amouret Les Bien aimés) et un essai gay semi pornographique (Un homme au bain), il s'attaque ici à un étonnant projet : revisiter de manière contemporaine le mythique récit poétique et fleuve d'Ovide rédigé à l'aube de notre ère, sous le règne d'Auguste. Un récit qui évoquait la cruelle lutte des dieux égoïstes et des mortels, les dieux usant souvent des métamorphoses et des transformations diverses pour duper leurs humaines victimes. Un jeu cruel de l'amour qui finissait souvent mal pour celles et ceux sur qui déesses et dieux avaient jeté leur dévolu.
Des centaines de récits d'Ovide, Christophe n'a extrait qu'un florilège, faisant de la jeune Europe (dans la mythologie, princesse phénicienne, incarnée ici comme un contrepied par une jeune actrice d'origine maghrébine) le personnage principal, qui traverse les différents contes au fil de ses rencontres successives avec Jupiter, Bacchus et Orphée. Si, dans le mythe, Jupiter se transformait en taureau blanc pour aborder Europe, c'est au volant d'un puissant 36 tonnes que, mystérieux et fascinant routier, le dieu des dieux aborde ici la jeune fille au sortir de son lycée des quartiers périphériques de Montpellier. C'est toute la force de Christophe Honoré d'avoir su transposer dans les zones périurbaines de villes méditerranéennes le décor de la lutte antique des dieux et des hommes, avec de jeunes acteurs non professionnels, évoquant irrésistiblement les films mythiques de Pasolini, qui ne s'embarrassait pas forcément de réalisme. Abords des cités de Nimes, Avignon ou Montpellier, proximités des échangeurs autoroutiers, parkings déserts, ces lieux oubliés s'avèrent étrangement crédibles pour que s'y déroulent les récits mythologiques. Parfois le récit s'échappe au fond de la nature languedocienne quand Bacchus et ses terribles Bacchantes entrainent Europe au cœur de la forêt ou aux abords des rivières encaissées et longées de grottes.
Mais à travers ces Métamorphoses, Honoré déroule ses thèmes fétiches, autour de la passion dévorante et destructrice, et se plait à montrer comme souvent les corps en liberté, le réalisateur n'ayant eu semble-t-il aucun problème à demander la nudité à ses jeunes acteurs débutants qui n'en sont que plus authentiques. N'usant pas d'effets spéciaux, qui auraient rendu la chose ridicule, et croyant à la magie du cinéma primitif, il sait rendre crédible des transformations avec des procédés tout simples, nous permettant ainsi de croire à la mutation de Io en génisse, ou celle, magnifique, du couple inséparable Philémon et Baucis en arbres entrelacés sur la berge de la rivière. Et dans toute sa radicalité minimale, Métamorphoses s'avère un formidable moyen, pour les jeunes générations, de découvrir ce récit mythologique vieux de deux millénaires.