B.G
Le 21-10-2013
B.G, le 21-10-2013
Un film qui rend hommage au cinéma noir français d'après-guerre, déjà ça attire l’attention… Pas vraiment un polar, pas non plus un film sur le catch, malgré l'affiche, les photos, les costumes, les masques… Plutôt une variation sur le bien et le mal et leur représentation, le noir et le blanc et leur symbolique, l'amour et l'amitié et leurs limites… Le noir et blanc magnifique, la reprise des codes du film de gangsters installent une atmosphère singulière, entre rêve et réalité. Quant aux acteurs, premiers ou seconds rôles, ils composent une galerie de « tronches » qui peuplent à merveille l'univers mélancolique de David Perrault. Auquel on saura gré de nous éviter les facilités du pastiche, de la parodie, du côté « vieux Paris de carte postale » : la mythologie rétro qu'il met en scène, il l'aime sincèrement, il se l'approprie pour livrer une œuvre éminemment personnelle.
Nous sommes en France, au début des années 60. Simon est catcheur, c'est le meilleur moyen qu'il ait trouvé pour gagner sa vie. Les combats, mis en scène et bien évidemment truqués, sont organisés par la pègre locale. Un petit monde pas franchement rassurant, mais c'est plutôt bien payé et par les temps qui courent ça ne se refuse pas. Le milieu a ses codes, ses rituels : chaque combattants porte un masque et un nom de scène puissamment évocateur pour que le public s'y retrouve facilement, s'identifie au « bon » et rejette le « méchant ». Ce sera « L'Ange Blanc » contre « Le Dragon de Bagnolet », « Le Petit Prince » face au « Bourreau de Béthune ». Simon est du côté du bien : il porte un masque blanc et sur le ring il est « Le Spectre ». Il a une amitié anciennement amoureuse avec Jeanne, tenancière de bar et grande lectrice, et commence une histoire avec Anna, une jeunette amatrice de musiques nouvelles : c'est l'époque où un certain Gainsbourg commence à faire parler de lui…
Son relatif train-train va être bousculé lorsqu'il retrouve Victor, un vieux pote toute juste de retour de la guerre d'Algérie. Il est sans évidemment sans boulot et Simon lui propose de le présenter à son entraîneur, Ferdinand. Victor est costaud, massif même. Il en impose, pour un peu il ferait peur… Parfait, il portera un masque noir et jouera les méchants sous le sobriquet fleuri de « L’Équarrisseur de Belleville ». Ferdinand voit déjà la super affiche : « Le Spectre » contre « L'Équarrisseur de Belleville » ! Combat en trois rounds, tous les coups ou presque sont permis et à la fin c'est le masque blanc qui gagne, c'est le bien qui terrasse le mal, il faut bien que le public soit content.
Mais Victor, géant fragile, n'en peut plus de jouer les méchants. Dans la sale guerre qui vient de finir, il n'avait déjà pas le beau rôle, c'est peu de le dire. Il aimerait bien, pour une fois dans sa vie, être dans la peau de celui qu’on applaudit, qu'on encourage, qu'on admire. Simon accepte alors d'échanger les masques. Blanc ou noir, il s'en fout… Mais on ne trompe pas impunément ce milieu-là…