3.5 | 4 |
Le film s'ouvre sur un postulat de départ très original : par erreur, deux personnes que rien ne semblait pouvoir rapprocher, se rencontrent par le biais inattendu d'une boîte repas livrée au mauvais destinataire. En suivant l'étonnant trajet de ces fameuses lunchboxs ("Dabbawhallahs"), l'Inde se déploie aux travers d'images parfois quasi-documentaires, que l'on découvre avec curiosité et envie. Tout la problématique du film se trouve là : comment dans cette démultiplication anonyme de boîtes-repas concoctées par les épouses et livrées ensuite aux bureaux, l'intime parvient à garder sa place, conservé au chaud dans ces étuis, tous différents. Comment Ila et Isaajan vont réussir à créer une relation alors qu'ils sont perdus chacun de leur côté, lui au milieu d'open spaces (son bureau où il est sans cesse épié par le voisin, à la cantine...), perdu parmi la foule des trains ou tout simplement de Bombay, et elle, perdue dans son espace confiné où son mari ne la voit plus et dans lequel elle répète inlassablement les mêmes gestes du quotidien (la machine à laver...).
Un soin particulier est prêté aux sons et plus spécifiquement aux transitions sonores qui rappellent intelligemment une continuté d'espace et de lieux, même lorsque les décors semblent avoir changés. Les acteurs sont justes, sensibles, mises à part quelques scènes où leurs actions et mimiques semblent un poil trop explicatives et appuyées (j'ai peur d'être découvert : je regarde avec un peu trop d'insistance à droite, à gauche, puis encore à droite...), à l'image de certaines séquences où parfois un dialogue vient doubler une action et lui fait ainsi perdre de la puissance à force de trop la souligner.
Ce qui est regrettable finalement, c'est bien sa durée (presque deux heures), qui s'explique par un montage très (trop) sage qui ne prend aucunement le risque de se priver de certaines séquences dont l'absence aurait permis de gagner en efficacité et en pertinence. Privilégier certaines ellipses plutôt que de s'évertuer à tout expliquer pour être certains que le spectateur ait bien saisi toutes les nuances de la séquence. L'évolution de la relation épistolaire est malgré tout très attendue et ses conséquences sont démontrées plus que ressenties, dans un jeu de cause à effet un peu trop répétitif : "fumer tue" dit la lettre et instantanément Isaajan arrête la cigarette. "La vie ne vaut d'être vécue que si l'on peut la raconter" et hop, Ila va relater un souvenir à sa fille... etc. La transformation des personnages sonne donc parfois un peu trop artificielle car les prises de conscience n'infusent pas assez sur toute la longueur du film, sans avoir de vraies racines. En conséquence, l'histoire s'essouffle sur la fin et s'embourbe dans des retournements de situations téléphonés et prévisibles, pour arriver douloureusement à une issue déjà pressentie par le spectateur. Pour autant, on ne regrette pas le voyage : les moments de grâce, la présence imposante de l'excellent acteur Irrfan Khan et la douceur des yeux de Nimrat Kaur, la vie à Bombay... nous comblent assez pour ressortir avec la sensation d'avoir passé un agréable moment de cinéma.