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Il a eu tellement peur qu'il s'est enfui en courant !
Les vacances à la neige comme révélateur de la crise du couple, du malaise de la famille, de l'ultra-moderne désarroi. « Il a eu tellement peur qu'il s'est enfui en courant ! » Quand Ebba, la protagoniste de Snow Therapy, déballe à un couple de quasi inconnus, lors d'un dîner au coin du feu, comment son mari les a lâchement abandonnés, elle et leurs deux enfants, face à une avalanche qui aurait pu être dangereuse, ça jette comme qui dirait un froid dans l'harmonie affichée par cette petite famille modèle suédoise en séjour de détente dans les Alpes françaises… D'autant plus que le mari nie, se défend d'avoir été lâche…
La famille, le couple disions-nous, les rapports homme/femme, les relations avec les enfants, mais aussi la vérité et le mensonge, le courage et la lâcheté ou encore les limites et les ridicules de la société des loisirs, autant de thèmes abordés avec une acuité et une intelligence remarquables par Ruben Östlund dans ce film brillant et formidablement interprété.
Snow Therapy est décomposé en cinq chapitres, un pour chaque jour passé dans la station de ski des Arcs par Tomas qui travaille trop selon sa femme Ebba : il va avoir enfin l'occasion d'accorder un peu de temps à sa famille, à ses deux enfants Vera et Harry… Mais si la première journée se passe bien, dans le classique cliché de l'union (on skie tous ensemble, on fait la sieste tous ensemble, etc), le climat se gâte dès le lendemain avec cette fameuse avalanche – déclenchée et en principe contrôlée par les responsables de la station pour l'entretien des pistes – qui déferle un peu trop vite et un peu trop fort sur la terrasse ensoleillée où la famille déjeune… En dépit des hurlements de sa progéniture et de sa femme, Tomas prend la poudre d'escampette aussi vite que possible. Il n'est qu'une seule chose qu'il n'oublie pas : son téléphone portable ! Il y a au final plus de peur que de mal, les vacanciers s'en sortent seulement humides de la vapeur de neige… mais le ver est dans le fruit, tout l'équilibre familial est ébranlé. De déni en confrontations publiques, Tomas va devoir assumer un acte qui libère en écho d'autres mensonges sur une vie qui semblait en apparence idéale…
Disséquant patiemment la réaction en chaîne à l'œuvre au cœur de son scénario, Ruben Östlund met à nu les failles et les contradictions de ses personnages. Balançant d'un réalisme socio-psychologique très rigoureux à une habile suggestion de questions existentielles, en passant par des séquences atmosphériques (la montagne, la nuit étoilée et les lumières de la station, la neige tombant à gros flocons), il s'autorise aussi quelques traits d'humour à travers les figures secondaires (les divers témoins de la confrontation du couple) et une scène quasi onirique assez énigmatique. Le film est à la fois très quotidien et très stylisé, terre à terre et distancié. Il prend ainsi une dimension de fable morale complexe qui impressionne durablement.