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Premier long-métrage pour Thomas Cailley et première consécration pour un film qui a eu l'honneur d'être projeté lors de la Quinzaine des Réalisateurs durant le Festival de Cannes 2014. Extrêmement bien reçu par la presse lors de sa projection cannoise, Les Combattants s'annonce comme être la petite perle française qu'on ne voyait pas venir, mais qui avec son panache et son audace naturelle, réussit à emballer toute une communauté. Au cinéma, s'il y a bien une chose qu'il faut réussir à faire transparaître lorsque l'on souhaite toucher le public, c'est le naturel. Il faut que l’œuvre qu'offre le réalisateur aux spectateurs paraisse naturelle dans ses dialogues, sa mise en scène et dans la conception de ses personnages. Pour émouvoir il faut avoir l'air naturel et éviter de paraître artificiel, puisqu'un personnage hautain et incorrect réussira seulement à émouvoir si le propos du film est de réussir à l'emporter vers une prise de conscience et à lui faire ouvrir les yeux sur ce qu'il est aux yeux des autres. Si le long-métrage Les Combattants a tant réussi à charmer la presse, c'est tout d'abord grâce à son écriture. Les Combattants n'est pas un film fait à la va-vite et qui va lancer ses personnages dans l'inconnu sans chercher à les présenter aux spectateurs.
Prenant son temps, le scénario va tout d'abord faire en sorte que le public s’immisce dans la vie du jeune Arnaud. Entre les soirées avec ses amis et le travail dans l'entreprise de son défunt père la journée, Arnaud compte passer un été à aider, tout en profitant tout de même de son été et de ce que l'été signifie pour lui. Durant plusieurs minutes, le spectateur va apprendre à connaître Arnaud. L'on va presque tout savoir de lui et une connexion va se créer presque naturellement enter le protagoniste et le spectateur. Les personnages secondaires apportent du dynamisme au récit et de plus, ces derniers forment deux murs qui vont venir oppresser Arnaud. Arnaud doit s'organiser pour aider suffisamment l'entreprise familiale, tout en réussissant à voir suffisamment ses amis qui lui en demandent toujours plus, mais ça c'était jusqu'au jour où lors d'une rencontre organisée par l'armée, il va faire la rencontre de Madeleine. Apparaissant comme un garçon manqué qui serait prêt à mettre des coups si on s'opposait à elle, Madeleine dégage une hormone qui malgré son manque de féminité, donne envie de la découvrir plus en détail, tel que c'était le cas pour Arnaud, qui lui, apparait davantage comme un jeune homme on ne peut plus normal, qui souhaite travailler, mais sait aussi faire la fête avec ses amis. Véritable boule de nerf, Madeleine peut paraître introvertie au premier abord, mais c'est finalement sa générosité et son envie d'aller au bout de ses idées qui va faire en sorte qu'Arnaud et Madeleine vont se rapprocher et commencer à se connaître.
Les Combattants est un film généreux, puisqu'il repose sur des personnages qui n'ont rien de commun grâce à cette générosité débordante. Prêt à tout pour se rapprocher d'elle, Arnaud va aller au bout de lui-même et va littéralement apprendre à se redécouvrir grâce ou à cause de Madeleine, alors que cette dernière s'avère généreuse dans un tout autre sens. Elle n'est pas une personne a que vous auriez envie de côtoyer chaque jour, mais elle est généreuse dans ce qu'elle renvoie au public. Madeleine va également apprendre à se redécouvrir, mais elle ne va pas pour autant effectuer une remise en question de ce qu'elle est et de ces croyances. Des personnages uniques pour un film tout aussi unique. Loin des romances habituelles qui vont plus aisément allier la musique ou la comédie au drame afin de créer une émotion ou de l'empathie, Les Combattants allie le drame à l'aventure. Film d'aventure dans lequel deux jeunes personnages que tout oppose sur le papier, vont apprendre à se découvrir mutuellement, Les Combattants réussi l'exploit de faire sourire et d'émouvoir avec des scènes qui plus le film va avancer, plus elles seront longues et contemplatives.
Faussement rural, Les Combattants relève plus du film naturaliste où l'humain doit faire face à lui-même et à son obstination malgré une nature qui ne lui fera aucun cadeau. Certains choix scénaristiques sont intéressants et font de ce long-métrage, une légère ode à la nature et un retour aux sources de l'homme afin que celui-ci revienne à ce qu'il est réellement. Là où l'armée sert simplement de prétexte pour rapprocher les protagonistes l'un de l'autre et leur permettre de sortir du monde rural où ils ne sont que des fourmis dans une fourmilière géante, la nature est porteur d'un véritable message. De plus, la nature est un élément crucial dans le développement des personnalités des protagonistes. C'est elle qui va faire en sorte que leur détermination ne sera jamais aussi grande et que malgré divers obstacles, ils feront tout pour aller au bout de leur aventure respective afin d'atteindre l'objectif qu'ils c'était fixé. On nous fait comprendre divers messages grâce à ce retour à la nature des protagonistes et c'est une bonne chose pour un film qui plus il va avancer dans le temps, plus il va perdre en rythme et en intensité. Reposant en grande partie sur ces personnages principaux comme secondaires, la seconde partie du film perd en dynamisme puisqu'elle se recentre exclusivement sur le duo Arnaud/Madeleine. Néanmoins, le film n’en reste pas moins intéressant grâce à une mise en scène qui insiste bien sur le caractère des protagonistes ainsi que sur les acteurs qui sont tout simplement remarquables. Adèle Haenel et Kevin Azaïs font corps avec leurs personnages respectifs. Émouvants, drôles, sincères et généreux, ce ont des acteurs formidables sur lesquels ont pourra compter dans le futur et sur lesquels on peut déjà compter aujourd'hui avec ce long-métrage qui demande que votre attention.
SPÉCIAL QUINZAINE DES RÉALISATEURS
Depuis trois années consécutives, la Quinzaine des Réalisateurs, prestigieuse section parallèle du festival de Cannes, récompense un genre peu couru au festival : la comédie. Après CAMILLE REDOUBLE en 2012, LES GARÇONS ET GUILLAUME À TABLE en 2013, c'est au tour du très revigorant et très drôle LES COMBATTANTS de remporter la timbale. Ce n’est certes peut être pas le meilleur film de la sélection, mais le coup de cœur du public et du jury votant certainement.
Ce premier film, défini par son jeune auteur, tout juste issu de la Femis, comme une histoire d'amour et une histoire de survie, se paie le luxe de repartir avec tous les prix de la compétition.
Les Combattants est un film réjouissant à plus d'un titre. Il laisse d'abord entrevoir un renouveau générationnel des cinéastes français : après Céline Sciamma, dont vous découvrirez très bientôt le formidable Gang de filles, arrive aussi Party Girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Théis qui a remporté la Caméra d'Or, sans oublier l'impressionnant Mange tes morts de Jean-Charles Hue, tout récemment distingué du Prix Jean Vigo. Des jeunes réalisateurs qui redessinent chacun à leur façon un cinéma d'auteur français qui s'affranchit et s'assume.
Réjouissant parce qu'il nous permet de retrouver la formidable Adèle Haenel, tout juste récompensée d'un César du meilleur second rôle féminin pour sa prestation dans SUZANNE de Katell Quillévéré (encore une jeune auteure). Dans Les Combattants, Adèle est Madeleine, une jeune femme de son temps tout juste diplômée en macro économie, qui ne redoute ni la crise, ni le chômage, elle veut juste être prête quand la fin arrivera… Quelle fin ? Rien de moins que celle du monde, l'apocalypse, le grand déluge… Alors elle se prépare, elle s'entraine et quoi de mieux se dit-elle que l'armée pour savoir survivre en temps de chaos ? Pour Madeleine, cet été c'est stage commando ou rien mais c'était sans compter sur sa rencontre avec Arnaud.
Arnaud, on le rencontre dès la première scène, magnifique, du film. Il est avec son frère aux pompes funèbres où un vendeur leur fait l'article sur tel ou tel cercueil et les qualités remarquables de telle essence de bois. Pas de chance pour le baratineur, les deux frères sont fils de menuisiers. De retour chez eux furibards – « c'est même pas du massif » – ils fabriquent en une nuit le cercueil de leur père. Aussi drôle que bouleversant.
Voilà donc Arnaud, pas très emballé pour reprendre avec son grand frère l'entreprise familiale, pas contre non plus, on verra après l'été. Indécis, comme un jeune homme de son âge, pas encore tout à fait adulte, plus vraiment un gamin. Sa rencontre, pour le moins physique, avec Madeleine va pourtant lui fournir un écheveau de pistes à suivre, une raison de faire des choix, même si ce seront plutôt ceux de Madeleine…
Les Combattants nous touche parce qu'il dresse un portrait sensible et juste d'une génération, (ou pour le moins de deux jeunes gens d'aujourd'hui) qui, sans être paumée, ce qui aurait été la facilité et surtout une resucée pas très intéressante, n'en est pas moins à la recherche de combats à mener, de sens à donner à une existence dont on a de cesse de leur rabâcher qu'elle ne sera faite que de souffrance et de désillusion. Une génération qui n'a connu que la crise, réelle ou suggérée, et qui l'a intégrée à son logiciel sans plus s'en soucier vraiment. Avec un sens de l'humour et des situations d'une précision imparable, Thomas Cailley réussi un film intelligent et drôle, lumineux et sensible, combattif et plein d'espoir.