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"Viva la libertà !"
Casanova Variations… En musique, la variation est la « transformation d'une phrase musicale par divers procédés d'écriture qui touchent, séparément ou simultanément, à la mélodie, au rythme, à la mesure, au mode, au ton, à l'harmonie, à la polyphonie, tout en laissant le thème original discernable ». Et Casanova c'est le personnage mythique du séducteur, irrésistible mais tourmenté, conquérant dans les jeux de l'amour mais torturé par la crainte de la déchéance, la peur sourde de la mort qui vient.
Le film sera donc une évocation protéiforme, foisonnante, imprévisible, insaisissable, de la figure de Casanova, enrichie par des variations autour de la musique de Mozart, en l'occurrence trois de ses opéras majeurs : Don Giovanni bien sûr, Les Noces de Figaro et Così fan tutte. Le projet mêle donc le cinéma, la musique, le théâtre, la littérature et l'histoire et s'offre comme un kaléidoscope virtuose, qui emporte le spectateur dans un tourbillon de sensations les plus diverses.
Et dans ce voyage sans cesse surprenant, notre guide sera John Malkovich, cabotin génial, trublion capable de toutes les gamineries, tragédien messager de toutes les profondeurs. Jouant en permanence avec l'image qu'on garde de lui depuis son Valmont des Liaisons dangereuses, il est un Casanova décati, un Don Juan vieillissant qui n'est pas dupe de sa décrépitude en marche mais qui a l'esprit de s'en détacher, l'humour de s'en moquer. Mais il est aussi lui-même, John Malkovich en train de jouer Casanova, le film effaçant sans prévenir les frontières entre la fiction et la réalité et jouant de l'une pour nourrir l'autre… Reclus dans la demeure d'un ami aristocrate, l'homme à femmes fatigué, qui ne peut plus crier «Viva la libertà!» sans s'évanouir dans le moment qui suit, reçoit la visite d'une baronne, Elisa (Veronica Ferres, superbe), qui lui propose une rente à vie en échange de ses mémoires.
Dans le même temps, un opéra sur ce sujet (construit donc à partir des trois œuvres de Mozart citées plus haut) se joue à l'Opéra de Lisbonne. John Malkovich et Veronica Ferres sont sur scène, ils interprètent leur rôle déjà défini mais ils ne chantent que certaines parties (le reste a été confié à un vrai chanteur d'opéra, le bariton Florian Bœsch, et les airs d'Elisa sont chantés par Miah Persson). C'est dans le cadre de cette représentation que le mur entre fiction et réalité est brisé, les acteurs se servant de l'auditorium pour prolonger les situations et les personnages mis en scène. L'opéra lui-même est filmé, et les gens qui le filment sont eux-mêmes filmés…
Pour profiter du charme singulier de ce film qui l'est tout autant, il n'est nullement besoin d'être un spécialiste de Mozart, de Casanova ou de Malkovich. Par contre il faut savoir ne pas s'accrocher à la tyrannique nécessité de tout comprendre tout de suite, il faut accepter de se laisser porter au gré de ces variations de ton, de mélodie, de rythme, d'harmonie… Pour l'occasion c'est certain : le bonheur n'est pas dans la ligne droite.