Coming Home

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Lu Yanshi, prisonnier politique, est libéré à la fin de la Révolution Culturelle. Lorsqu'il rentre chez lui, il découvre que sa femme souffre d'amnésie. Elle ne le reconnaît pas et chaque jour, elle attend le retour de son mari, sans comprendre qu'il est à ses côtés.

Vos commentaires et critiques :

Démons

Il y avait longtemps que  Zhang Yimou s’était mis aux abonnés absents et c’est avec une certaine curiosité que l’on attendait celui qui fut le réalisateur de (Le Sorgho rouge, Ju Dou, Épouses et concubines, Vivre !) et qui depuis n’avait plus fait grand-chose.

 

L'action se situe ici pendant et après la Révolution culturelle. Feng Wanyu vit modestement de la couture et élève sa fille Dan Dan, brillante jeune danseuse qui espère vivement décrocher le rôle titre d'une comédie musicale révolutionnaire. On comprend vite que le mari et père, Lu Yanshi, est un de ces nombreux intellectuels emprisonnés par le régime pour déviationnisme petit bourgeois. Il va d'ailleurs réussir à s'échapper de son camp d'internement, ce qui va faire basculer la vie de la famille, avant d'être rattrapé.

Plusieurs années après sa libération et sa réhabilitation, la fin de la Révolution culturelle ne va pas pour autant être synonyme de bonheur et de renouveau pour la famille : Feng Wanyu semble totalement amnésique et ne reconnait pas son mari, s'obstinant chaque mois à aller à l'arrivée des trains attendre son retour alors qu'il est rentré depuis longtemps et qu'il vit tout à côté de chez elle…

 Très beau récit sur l'amour brisé par les soubresauts de l'Histoire, Coming home est un film sans concessions sur les conséquences tragiques de la Révolution culturelle, période de tous les aveuglements, de toutes les paranoïas qui brisèrent des familles entières, les enfants dénonçant leurs parents, vivant des années plus tard dans le secret et la culpabilité. Quelques scènes terribles sont symptomatiques : quand Lu Yanshi en fuite attend désespérément que sa famille lui ouvre la porte, ou quand la jeune Dan Dan est furieuse du retour de ce père qui risque de compromettre sa prometteuse carrière de danseuse… Mais en contrepoint, on est bouleversé par le repentir de la jeune fille ou l'abnégation de ce mari qui reste, année après année, voisin de sa femme qui ne le reconnaît plus, tentant de gagner son affection par des subterfuges. Et Zhang Yimou retrouve, comme dans ses meilleurs films, une élégance de mise en scène, une maîtrise de chaque plan, un souci du détail qui magnifient cette chronique déchirante.

Ironie de l'histoire pour Zhang Yimou, longtemps considéré comme cinéaste officiel du régime – et parallèle imprévu avec le sort de Dan Dan dans le film, recalée pour cause de père dissident – : malgré sa sélection au Festival de Cannes et son succès au box-office chinois, Coming home s'est vu écarté de la sélection aux Oscars, la Chine lui préférant pour la représenter le très tiède film franco-chinois Le Promeneur d'oiseau de Philippe Muyl. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'un des coproducteurs de Coming home est tombé en disgrâce politique et se retrouve menacé de poursuites judiciaires. Comme quoi les démons de la Chine dénoncés par le film ont encore de beaux jours sombres devant eux…